En temps de peste, les cimetières sont saturés, les fossoyeurs meurent parmi les premiers et chacun est conscient du risque de la contagion. Il faut faire appel, à un prix d'or, à une main-d'oeuvre non spécialisée : en Provence ce sont "de solides campagnards, pauvres et misérables, de fort tempérament", descendus des montagnes et qui, "moyennant une grosse rémunération", sans doute en guise de prime de risque, font office de fossoyeurs : on les appelle "gavots". À Montpellier, les condamnés à mort sont commis à ce travail. Partout, les laïcs qui acceptent de se charger de cette tâche au risque de leur vie sont grassement payés.
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L'Église revendique la plupart du temps leur présence [les tombes d'enfants] en son sein lorsqu'ils n'ont pas atteint l'âge de discrétion. Elle se juge responsable de leur âme et s'occupe par conséquent de leur corps.
Elle leur propose de préférence les meilleurs emplacements du cimetière : le long du mur sud des églises, sous la gouttière qui les arrose pour l'éternité d'eau bénie au contact du toit, sur le parvis dont l'étymologie signifie paradis, dans le chœur [...] dans le conduit d'eau du baptistère ou dans une pierre de fondation creusée dans la circonstance, quand il s'agit d'un minuscule fœtus.
Sur ce modèle, nombreux sont les adultes qui, pour mieux se protéger contre les dangers de l'au-delà, souhaitent également reposer au sein des églises.
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