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Critique de ClaireG



Il y a ceux qui ont accepté, non de gaieté de coeur mais par souci d'adaptation à l'inéluctable, qui ont reçu l'éducation scolaire des enfants américains, qui se sont mêlés aux Blancs, qui ont fait l'université, qui écrivent (il y a même un prix Pulitzer parmi eux), qui sont devenus fonctionnaires, qui ont combattu sous la bannière étoilée, qui ont une vie de leur époque et vivent dans les villes, sans pour autant renier leur culture ancestrale et leurs traditions.

Il y a ceux qui, pour toutes sortes de raisons, vivent dans des réserves, ont du mal à s'adapter ou refusent l'assimilation, sont à peine scolarisés, rencontrent des problèmes de stabilité d'emploi, vivent chichement, ont pour quotidien la faim, l'alcool, la drogue et la violence pour masquer leur honte, leur désoeuvrement, sans pour autant renier leur culture ancestrale et leurs traditions.

Les peuples premiers d'Amérique du Nord (2,3 % de la population US), vaincus et abandonnés par les conquérants, tentent néanmoins de conserver leurs légendes et leur dignité.

Sherman Alexie est né en 1966 et a vécu dans une réserve de l'Etat de Washington (nord-nord-ouest). A un moment de sa vie, il a décidé de quitter la réserve et d'aller suivre des études secondaires puis universitaires avant de s'établir à Seattle avec sa famille. Il est poète et écrivain mondialement connu. Et, forcément, défenseur des droits des Native Americans.

Phoenix Arizona comporte une vingtaine d'histoires, essentiellement autobiographiques, de la petite enfance et de l'adolescence de Sherman Alexie. Il raconte les conditions de vie pitoyables dans une sorte de bidonville, la misère physique et morale, la maladie, les arrestations arbitraires, la violence de la police tribale, le parti pris des Blancs, le désespoir des anciens, mais aussi les blagues de gosses et surtout la possibilité d'entrer dans une équipe de basket victorieuse. Héros éphémère sans doute mais dont l'aura lui a donné le courage d'affronter la « civilisation », de transformer l'essai en réussite personnelle et de retrouver pour lui-même et les siens cette fierté et cette autonomie auxquelles le peuple indien est fondamentalement lié.

Beaucoup d'émotions et de souvenirs douloureux émaillent ce livre dont l'action se situe à la fin des années 1970. Il m'a fait penser au film de Michael Apted « Coeur de Tonnerre » (1992 avec Sam Shepard, Val Kilmer et Graham Greene) qui décrit lui aussi la vie précaire dans les réserves.

La situation a-t-elle évolué aujourd'hui pour ce peuple massacré, trompé, trimballé, relégué ? Il s'est réveillé en tout cas. Il s'est notamment mobilisé fin 2016 pour empêcher la construction d'un oléoduc traversant le Dakota du Nord pour rejoindre le Missouri sans respecter les terres sacrées et en risquant de polluer les réserves d'eau potable, sans parler des dégradations écologiques. Les Amérindiens ont obtenu satisfaction. Depuis, un nouveau président a été élu. Attendons de voir.

Impossible de rester de glace face à cette lecture de Phoenix, Arizona. L'installation de la « civilisation » a décidément beaucoup de choses à se faire pardonner.
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