A l'occasion de la sortie de son dernier roman, Une lune tatouée sur la main gauche, aux éditions Finitude, nous avons le plaisir de vous proposer une rencontre en compagnie de Rodolphe Barry qui poursuit son exploration de l'Amérique au travers de portraits saisissants. Après Raymond Carver et James Agee, c'est à Sam Shepard que la plume virtuose de Barry s'intéresse, et ça vaut le détour !
Discussion animée par Pascal Thuot.
Réalisation: David Even
La vie, c'est ce qui vous arrive pendant que vous rêviez de faire autre chose. (Formule simple).
People used to say that the blessed “would see heaven”; my wish would be to see the earth forever. —Peter Handke
( Les gens disaient, les chanceux "verront le paradis"; mon souhait serait de voir La Terre pour toujours )
J'adore marcher dans une ville où personne ne marche. Sur les trottoirs, on se croirait dans le désert.
En fait, il n'avait pas la moindre idée de la direction à prendre, de l'autoroute qu'il allait emprunter. C'était à pile ou face. Il essaya d'imaginer une destination : Lexington, El Paso, Boulder City... Rien ne venait, tout se confondait. Il chercha à s'imaginer là-bas. Quelque part. L'arrivée. Albuquerque, peut-être, Tucumcari. Il revit un café Denny's qui lui semblait familier, juste en face d'un terrain de jeux et d'une vieille gare. Mais il aurait été incapable de dire dans quelle ville tout cela existait, ni pourquoi il aurait eu la moindre raison de vouloir y retourner. Il pensa qu'il ferait mieux de brûler toutes ses cartes routières.
Que la réalité, c'est une "question personnelle", et que tout le reste est juste du baratin, de l'apparence, de la poudre aux yeux. Comme les infos à la télé. Il dit que si les gens regardent tellement les infos, c'est parce qu'elles ne sont que du mensonge et que cela leur convient parfaitement, parce qu'ils ne veulent pas voir la réalité. Parce que la réalité serait trop dure à avaler pour eux. (Un bout de mur de Berlin).
Albuquerque semblait plus barbant que jamais, difficile de croire que c’était devenu la capitale du MEURTRE aux USA. Sans doute parce qu’il n’y a rien d’autre à y faire.
.....their version of “luck” had subtly changed over the years. It no longer had anything to do with money or success or health or the “future” of any kind—that was the main difference. “Luck” now had to do with the present. Sustaining the present. Celebrating it, in fact.
( ...leur interprétation de " la chance" avait changé avec les années. Ce n'était plus une question d'argent, de succès,ou de santé ou d'un quelconque futur- c'était là la principale différence."La Chance" avait à faire avec le présent. Vivre au présent.En faites le célébrer)
Great dream of heaven
Je vais sur le balcon, toujours en peignoir-éponge, une autre bouteille de gin à la main. Les palmiers ne bougent plus d'un poil, il n'y a pas une ride sur la surface de la piscine. « Un temps de meurtre. » Je me dis que c'est le climat idéal pour tuer quelqu'un. « Quelqu'un qui n'aurait rien d'autre à faire, avec un temps pareil, il penserait forcément à tuer. Peut-être des chiens, simplement. Faire tous les jardins du quartier, un par un, en flinguant les clebs. Simplement ça.

En 1890, à l'extrême limite des marches du Texas, le juge Roy Bean tomba éperdument amoureux d'une photographie de l'actrice britannique Lillie Langtry, connue dans le monde entier sous le nom de The Jersey Lily, « le lys du Jersey ». En ces contrées impitoyables, il y avait à vrai dire peu de femmes, sinon les dames peinturlurées qui écumaient les campements de toile abritant les ouvriers employés à la construction de la ligne ferroviaire Southern Pacific. Le long du Pecos et du Rio Grande, toutes les lois étaient allègrement bafouées, d'autant qu'il n'y avait pas de représentants de la justice avant Fort Stockton, à près de deux cents kilomètres de là. Les responsables du chemin de fer et les gardes-frontières, cherchant à tout prix un arbitre, nommèrent juge de paix un commerçant de Vinegaroon, ville de tentes apparues à la frontière. Roy Bean était un petit homme râblé et entêté, au regard quelque peu mélancolique, que sa pleine barbe blanche et son tempérament autocratique disposaient pleinement à cet emploi. Bientôt, tout ce qui sortait de sa bouche eut force de loi indiscutable à l'ouest du Pecos. Pour la faire régner, il conçut le plus terrible des châtiments : non la pendaison, mais le bannissement dans le vide immense qui encerclait ces hommes, sans arme, sans argent, sans bottes et, pire que tout le reste, sans cheval.
Price fit une entrée au pas dans l'agglomération, passant devant un petit panneau qui affirmait : « Belvidere, la Ville qui Vivra Vaille que Vaille ». Il ne voyait rien qui mérite le nom de ville : un garage abandonné, un resto à grillades désaffecté, Tibbs' Ribs, tout était délaissé à part une station-service Conoco, avec un petit café et un self adjacent.