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Critique de LightandSmell


Ayant apprécié Ne la quitte pas du regard et Qui a tué Rose de l'autrice, j'étais curieuse de me plonger dans son nouveau roman qui vaut bien plus pour son thème de fond, les Incels et le danger que représente cette sous-culture misogyne et toxique, que l'histoire en elle-même. Ainsi, si vous vous attendiez à du suspense et à une tension folle, vous risquez la déception. Mais en le sachant avant de vous lancer, je pense que vous pouvez, comme moi, arriver à laisser de côté vos attentes pour découvrir une histoire effrayante de réalisme…

Bien que je n'aie pas d'enfant, j'ai tout de suite été saisie par la détresse de Marian, une mère dont le monde s'écroule : sa fille, une infirmière de 22 ans, a disparu et comme toujours dans ce genre de cas, plus les heures défilent, plus les chances de la retrouver saine et sauve s'amenuisent. Dommage que l'autrice n'ait pas su utiliser cette épée de Damoclès pour susciter chez les lecteurs ce sentiment d'urgence qui pousse à tourner les pages avidement. Il faut dire qu'en plus de nous partager l'immense douleur de Marian devant la peur de ne jamais revoir sa fille vivante, elle nous dévoile l'envers peu reluisant de son couple.

Ainsi, Marian est prisonnière d'un mariage sans plus aucun amour ; un mariage dans lequel elle se soumet, année après année, à son infidèle, autoritaire et mesquin de mari. L'autrice s'appesantit trop sur ce point pour moi, rendant les passages du point de vue de Marian parfois redondants et plats. Mais je reconnais que découvrir les mécanismes régissant la vie de ce couple dysfonctionnel permet d'aborder une autre forme de violence…. Marian est, en effet, infantilisée, contrôlée et ridiculisée selon le bon vouloir de son pédant de mari, qui lui fait porter la responsabilité de tous les problèmes, surtout de ceux dont il est responsable.

Cet homme est abject et d'une mauvaise foi certaine, mais d'autres hommes vont bien plus loin dans les violences faites aux femmes. Il y a d'abord « lui », homme dont nous n'aurons pas tout de suite l'identité, qui décide un jour de suivre une femme dans la rue pour lui faire peur… Quel intérêt ? Aucun si ce n'est lui donner cette illusion de toute-puissance et de pouvoir qui finit par agir sur lui comme une drogue. Partageant « ses exploits » filmés sur un forum spécialisé, il s'abreuve des likes et des commentaires d'encouragement et se réjouit de voir qu'il fait des émules. Mais parce qu'il y a toujours un élève qui dépasse le maître, « lui », va perdre le contrôle de son jeu malsain. Avec épouvante, il découvrira ainsi que certains sont prêts à aller plus loin que lui pour prouver aux femmes que ce sont les hommes qui commandent, et qu'elles ont tout intérêt à respecter leurs règles.

Forte (et probablement dégoûtée) de ses recherches, Claire Allan nous plonge sans ambages dans l'idéologie nauséabonde, toxique et violente des Incels, et dans la psychologie tortueuse de certains de ses membres. On découvre alors des hommes qui glorifient le patriarcat et se victimisent encore et encore, accusant les femmes d'être la source de tous leurs malheurs. Plus on avance dans le roman, plus on réalise que ce qu'ils veulent, ce sont de braves poupées gonflables satisfaisant leurs besoins sexuels qu'elles soient consentantes ou inanimées, des poupées serviables et dominées ne portant que les habits qu'ils estiment acceptables, des poupées qui savent rester à leur place que ce soit à la maison ou au travail où elles n'ont pas à diriger des hommes…

Les propos, d'une extrême violence, sont difficiles à lire, a fortiori quand on est une femme, mais ils reflètent une réalité dont il est nécessaire d'avoir conscience. Avec l'autrice, le lecteur n'a pas d'autre choix que d'y faire face, d'être révolté et de constater avec horreur les conséquences de cette haine tournée vers les femmes. Toutefois, si j'ai trouvé la critique des Incels très juste, j'ai regretté qu'elle prenne le pas sur l'intrigue en elle-même, rendant l'enquête autour de la disparition de Nell peu palpitante. J'espérais un thriller plein de tension, j'ai découvert un texte engagé, certes intéressant, mais qui porte en lui trop de longueurs à mon goût.

En outre, si j'ai apprécié la double temporalité et l'alternance des points de vue entre la mère de Nell et « lui », sorte de prédateur qui se glorifie de sa lâcheté, je n'ai pas été convaincue par l'intervention plus sporadique d'un autre protagoniste. Je n'ai pas trouvé que cela apportait grand-chose à l'intrigue, mais plutôt que cela fermait une porte à l'autrice : celle de la tension haletante et de la peur dans sa plus grande cruauté. Je reconnais toutefois avoir été totalement prise de court par une révélation qui prouve que la haine des femmes sévit partout… Mais également qu'il est possible de changer, du moins, dans une certaine mesure.

En conclusion, d'une plume simple et efficace, Claire Allan nous propose ici une histoire de disparition, couplée avec une critique pertinente d'un mouvement masculiniste terrifiant, faisant des femmes l'ennemi à soumettre et à abattre. Je ne conseillerais pas Sur tes pas aux lecteurs en quête d'un thriller sous tension, mais plutôt aux personnes souhaitant découvrir les aspects les plus sombres de web et s'immerger dans les tréfonds d'une idéologie délétère. Un roman terrifiant de réalisme mais nécessaire pour réaliser que les dangers virtuels d'aujourd'hui risquent d'être les crimes de demain ! Des crimes dont les femmes seront bien sûr les victimes…
Je remercie les éditions de l'Archipel pour m'avoir envoyé Sur tes pas de Claire Allan.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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