L'hiver est la saison du camouflage. On se vêt comme un oignon, par couches successives d'habits, ou comme un chevalier, avec des côtes de mailles laineuses et un heaume feutré. Cachée, protégée, c'est pour cela que Josey est une fille de l'hiver.
Dans sa petite ville de Bald Slope, une station de ski érigée par son père, on attend le premier flocon avec impatience. Pour Josey Cirrini, il est une gourmandise.
Un jour, alors qu'elle ouvre les portes du placard de sa chambre, son refuge où elle abrite ses secrets, elle découvre une femme recroquevillée. La stupeur combat l'effroi ! de sa forme foetale, un visage chagrin barbouillé de noir lui renvoie un regard éteint et apeuré. Della Lee Baker, une quarantaine d'années, serveuse dans un bar, est une femme que l'on pourrait considérer de « légère ». D'un ton rustre et mordant, elle lui raconte qu'elle vient de quitter son compagnon qui la battait. Si elle s'est faufilée dans cette maison, cette chambre, ce placard, c'est que ce lieu est une cachette insoupçonnée pour quelques jours… Et si Josey veut la déloger, elle se sent capable de raconter à tout le monde que l'héritière de Marco Cirrini triche avec la vie…
Josey est une jeune femme de vingt-sept ans que sa mère trouve laide, sans grâce et ordinaire. A la mort de son père, pour se faire pardonner d'une enfance terrible et capricieuse, tournée vers un père aimant, trop permissif, « elle se dévoue corps et âme à sa mère », Margaret, qui à soixante-quatorze ans et malgré une prothèse de hanche, reste toujours belle et altière, une fille du sud. Tour à tour chauffeur, dame de compagnie, infirmière, Josey s'offre en martyre et ne vit qu'une existence étriquée, confite dans la solitude et l'ennui.
Pour oublier, elle cherche un apaisement, un substitut à sa médiocrité, dans la nourriture qu'elle dissimule clandestinement dans une cache au fond de son placard. Elle colmate les brèches, remplit le vide, avec des douceurs, des romances et des brochures sur des voyages qu'elle ne fera jamais.
Contrainte par le chantage, Josey laisse cette parcelle à Della et fait tout pour que ni sa mère, ni la bonne, ne trouve leur nouvelle résidente ; une locataire étrange qui apprécie ce terrier et la cohabitation avec Josey.
Ainsi, une amitié improbable naît, faite de confidences, de générosité et de conseils donnés par l'aînée. Lorsque Josey se précipite tous les matins au devant du facteur, engoncée dans son tricot rouge porte-bonheur, ce n'est pas seulement pour le délester du courrier… et Della le remarque très vite. Josey est belle et elle ne le sait pas. Il suffirait de quelques petites touches de féminité et d'un ange gardien bien intentionné, pour la rendre lumineuse.
Avec subtilité, elle lui fait faire la connaissance de Chloe, une jeune fille de vingt-cinq ans qui tient une sandwicherie. Chloe serait une bonne amie pour Josey… et un maillon pour son émancipation.
«
La reine des délices » est un roman qui parle de quatre femmes, Margaret, Della, Josey et Chloe. Chacune a une histoire qui se raconte et qui s'imbrique dans les autres. Dans cette petite ville traversée par l'hiver, elles vont vivre des changements qui renverseront leur existence.
Douceur, amour, amitié, confiance, un zeste de fantastique, l'auteur malmène les histoires par quelques trahisons, jalousie, violence, et vindicte. Comme le titre le laisse supposer, elle compartimente ses chapitres par des confiseries qui sont des survies pour Josey, et donne des images de gourmandises tout au long du roman. Nous lisons alors, chocolat, crème glacée, cookies au gingembre, pomme d'amour, pains farcis d'emmental fondu… et d'autres délices. A cela, elle ajoute comme une cerise sur le gâteau, une diablerie avec des livres que je ne vous dévoilerai pas… si ce n'est qu'un extrait ci-après…
Un livre si doux et si agréable à lire… A conseiller !