Une femme vêtue d’une toilette rouge fit son entrée par une porte invisible située du côté où dansaient les faisceaux colorés, en chantant une chanson aux notes vacillantes. Elle était grosse. Sa robe au décolleté plongeant l’étranglait comme un corset ; ses seins, sa chair grasse, ses hanches lourdes débordaient à l’air libre. Mais elle ne cherchait pas à dissimuler ses formes, elle s’appliquait au contraire à en faire partout surgir les plantureuses rondeurs.
Je ne savais pas cuisiner ; faire à manger me répugnait même. En règle générale, je me contentais d’un morceau de fromage et d’une moitié de pain achetés chez l’épicier du coin de la rue. Comme beaucoup de nouveaux pauvres, j’appréhendais tout ce qui m’arrivait avec un mélange d’excès et de malhabileté comique.
Une vie que nous croyions ne jamais devoir changer venait de s’effondrer d’un coup, avec une facilité proprement terrifiante. Nous tombions dans un gouffre inconnu, mais la profondeur de ce gouffre, où et quand aurait lieu l’atterrissage, je l’ignorais. Je devais le découvrir plus tard.
Chaque être vivait sous la menace de sombrer dans l'oubli, abattu d'un seul coup comme ces pantins qu'on prend pour cible dans les fêtes foraines.