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Critique de berni_29


Les Impatientes est un roman que m'a offert ma fille à Noël et que j'ai adoré. Ma fille est éthiopienne, nous l'avons adoptée à l'âge de treize mois, elle a aujourd'hui vingt-deux ans, elle sait que je suis sensible aux récits qui proviennent de l'Afrique, à la condition féminine africaine, même si dans d'autres pays, y compris le nôtre cette condition mérite aussi une attention particulière... Nul n'est prophète en son pays... D'ailleurs, à propos de prophète, je vous parlerai plus loin d'un que j'ai plus particulièrement dans le collimateur...
C'est un récit choral, une polyphonie comme je les aime, trois voix de femmes du Sahel s'expriment. Elles s'appellent Ramla, Hindou, Safira. C'est un récit écrit par Djaïli Amadou Amal, auteure camerounaise dont on soupçonne très vite qu'elle parle de son expérience de femme, d'épouse...
Elles parlent d'amour et on leur parle d'honneur et de dignité. Des femmes, des mères, des tantes leur prodiguent conseils, et notamment un seul s'il pouvait être écouté : « Patience ! » Mais oui, pourquoi s'impatienter, car au bout du chemin, au bout de la patience, il y a le ciel... ?
Elles parlent d'amour. Aimer son époux, mais pourquoi, pour quoi faire ? Qui parle d'amour ? Pourquoi parles-tu d'amour alors que tu vas épouser un homme riche, puissant, qui va t'apporter ce dont tu as besoin, qui va te mettre à l'abri de tout besoin à jamais, mais en contrepartie tu devras le respecter, et en le respectant tu honoreras ta famille, la sienne aussi, donc tu seras heureuse pour cela.
Ici après les désillusions, après le désarroi et les larmes, vient le mariage forcé, vient l'horreur de la première nuit, la nuit de noces qui convoque des comportements qui ressembleraient presque à des rites quasiment sataniques, la nuit qui scelle physiquement et définitivement l'entrée de plein pied dans le cauchemar de la captivité à venir.
Cet Islam-là n'est pas un Islam modéré, qu'on le dise et qu'on se le dise une bonne fois pour toutes ! Au nom de quelle religion un homme a-t-il le droit de vie et de mort sur son épouse ? Au nom de quelle religion les preuves d'amour ressemblent à des viols ?
Mais Bernard, pourquoi t'offusques-tu ?
Le viol ici n'existe pas puisqu'on est dans le mariage. Alors, pourquoi viens-tu te mêler de ce qui ne te regarde pas, toi le mécréant ? Cela appartient aux devoirs conjugaux de l'époux, sous le consentement de la famille, des deux familles du reste, au risque, sinon, de les déshonorer.
Quel Dieu s'il existait pourrait accepter cela ? Ah ! Je n'aimerais pas le croiser, celui-là le soir dans une rue sombre en rentrant chez moi...
Je veux crier ici ma rage, mes mots, ma douleur...
Oui, cet Islam soi-disant modéré ne produit pas de terroristes, ne menace aucune société occidentale, dormez tranquillement chez vous chers penseurs de notre chère République Française vous autres aussi qui ne pensez pas, qui n'avez aucun avis sur la question, dormez bien dans vos intérieurs tranquilles et calfeutrés, cet Islam-là ne viendra pas tuer vos enfants dans la rue, dans la rédaction d'un journal satirique ou dans un concert de rock... Mais il tue pourtant, il tue à petits feux, il enlève la vie lorsqu'elle est féminine et jeune, la vie gonflée de désirs et de promesses, la vie qui ne demande qu'à vivre et à aimer, choisir avec son coeur qui veut aimer librement...
Le devoir conjugal, façon islamique, c'est une prison, la femme en prend à perpétuité, c'est une camisole de force qui rend fou, une cagoule qu'on enfouit sur le visage des femmes pour les taire, les terrer, les emmurer, qui donne du pouvoir à d'horribles mâles rendus prédateurs narcissiques par la seule tradition religieuse et patriarcale, protégés par tout un environnement conciliant, y compris celui des femmes, des mères, des tantes, des cousines, des soeurs, des autres épouses puisqu'ici la polygamie est institutionnalisée. Toutes ces femmes à la fois complices, prisonnières, contraintes et résignées elles aussi...
Après la nuit de noces, le corps peut se guérir, attendre un peu le temps que quelques points de suture fassent leur effet, il faut juste être patiente, mais il reste parfois d'autres blessures douloureuses et indélébiles. Qui viendra alors les soigner ?
Oui, il y a des versets et des sourates du Coran qui blasphèment la vie, le bonheur, la légèreté, les gourmandises, la joie, la plénitude des sens, l'immanence de l'instant, les pas de côté, le doute, les sourires, les rires, les fous rires, les digressions de l'existence, les livres où l'on parle d'amour, les baisers volés, l'envie de choisir le moment où l'on veut faire l'amour, et avec qui on veut faire l'amour, des poèmes, des caresses, des regards, des effleurements, des battements d'ailes, des ciels emplis d'oiseaux et qui viennent le soir se réfugier dans le coeur en attente...
Je vous livre un hadith du Prophète ? « Malheur à une femme qui met en colère son mari, et heureuse est la femme dont l'époux est content d'elle ».
Je sais aussi que certains comportements au sein d'autres communautés religieuses, à commencer par la chrétienté, ne valent guère mieux...
J'ai aimé le ton du récit écrit comme une fable, un conte qu'on écouterait autour d'un feu, dit par un griot à une veillée, non pas émerveillé par l'enchantement qu'il procure, mais en totale empathie avec le destin tragique de ces femmes...
Les Impatientes, c'est aussi un chemin, une résilience, je vous laisse prendre le pas sur ce chemin...
L'auteure lance un cri de détresse légitime. Je rêve que ce SOS soit entendu ici et là.
Le prix du Goncourt des lycéens qui a récompensé ce roman pourra aider à entendre cette cause.

« La patience est un art qui s'apprend patiemment. »
Grand Corps Malade
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