Raffaele D'Amato poursuit ici le travail de démolition du stéréotype des légionnaires romains tous équipés à l'identique, qu'il a entamé dans ses autres ouvrages sur Rome.
Peut-être même démolit-il un peu trop et trop vite pour le coup. Certains points sur lesquels j'avais déjà un peu tiqué dans ses autres livres font leur retour ici. En particulier, je suis en désaccord avec son postulat de départ, qui est que les représentations funéraires représentent toujours de manière exacte la réalité historique. Et, comme dans ses autres ouvrages, je me demande toujours d'où sortent certaines de ses interprétations, notamment sur les couleurs.
Pour résumer l'esprit de l'ouvrage, l'auteur développe son propos autour de trois idées:
– les auxiliaires portaient aussi la lorica segmentata;
– beaucoup de légionnaires ne portaient pas d'armure métallique, mais des armures en cuir;
– les boucliers semi-cylindriques n'étaient pas la norme.
Le souci avec ces trois idées, c'est qu'elles reposent sur des bases que je trouve assez fragiles. En particulier il s'appuie beaucoup sur les monuments funéraires, le problème étant, à mon sens, qu'il les prend dans leur état actuel et interprète donc, par exemple, une cuirasse qui a un aspect lisse, sans relief, comme du cuir plutôt que des écailles ou de la maille. L'inconvénient de cette méthodologie est qu'elle exclue un élément assez important : la grande majorité de ces monuments ne sont pas des commandes haut-de-gamme, donc il est assez probable que les petits détails de ce genre n'aient pas été sculptés, mais peints, et ont de fait disparu avec le temps.
Personnellement, je ne suis pas vraiment convaincu, et surtout je pense que ce genre d'ouvrage n'est pas l'endroit pour énoncer d'un air factuel des thèses qui sont loin d'être unanimement acceptées dans le milieu scientifique.
Au niveau de l'iconographie, c'est correct, mais l'ensemble a un aspect un peu vieillot pour un livre sorti en 2016, avec des photographies uniquement en noir et blanc, ce qui devient un brin burlesque quand la photographie est là pour illustrer les couleurs des vêtements. de leur côté les illustrations sont plutôt moyennes : sans être horribles on sent toutefois clairement un manque de maîtrise de
Raffaele Ruggeri, avec des soucis de perspective, des détourages parfois grossiers et dans certains cas de gros problèmes d'anatomie (les chevaux ne sont de toute évidence pas son truc, entre celui de la page 25 qui a des pattes...bizarres et celui de la page 32 qui a l'air sous acide).
Un livre moyen en résumé, voire un peu décevant pour Raffaele D'Amato qui a déjà fait mieux.