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Critique de JIEMDE


« Jamais on n'a écrit un polar comme celui-ci. L'écriture est aussi puissante que le matériau, les personnages sont peints avec autant de brio que les plus beaux graffitis, les dialogues sont aussi percutants qu'une brique lancée dans une vitrine, et la prose aussi précise et aiguisée qu'un cutter qui tranche une gorge ».

Sérieusement, quand l'immense James Crumley te balance un teasing pareil en préface, tu te délectes à l'avance de chacune des 630 pages qui vont suivre de Chiens de la nuit, de Kent Anderson, traduit par Jean Esch.

De retour du Vietnam, Hanson, ancien des forces spéciales, tente de se recycler parmi les flics du district de North Precinct à Portland. Avec Dana, son équipier, ils forment la patrouille Cinq Soixante-deux et tournent dans ce quartier de paumés, délinquants, drogués, prostituées et gangs en tous genres.

« J'aime ce boulot. L'adrénaline. J'aime quand un abruti décide de riposter. Ah, putain, oui. Je le cogne plusieurs fois contre le capot de la voiture, je lui fauche les jambes, je l'aplatis sur le trottoir et je lui mets les menottes. Genre : “Merci bien, j'en avais besoin“. Une chance que je sois flic, sinon, je serais certainement en prison ».

Un district où errent les chiens de la nuit, bêtes redevenues sauvages ou à demi sauvages à force d'avoir été maltraitées, battues, affamées et abandonnées, trouvant refuge dans la rue où, comme pour les hommes, tout est permis dès lors qu'il s'agit de survivre. Des chiens cibles pour une compétition off au commissariat, récompensant le flic qui en tuera le plus.

Dans ce climat de violence non-stop, Hanson reste hanté par son passé, ne parvenant jamais à chasser les bruits de rotors de Cobras de ses oreilles, les effluves de kérosène et de napalm de ses narines et les images ineffaçables qui troublent ses yeux quand il ne le faut pas. Dans un quartier où une autre forme de guerre se joue, il tente en vain d'apaiser ses névroses.

« le “Bien“ c'était de rester en vie. le Mal, c'était tout le reste. Les bruits, les odeurs, les gestes. L'hésitation, la pitié. Tous ceux que tu ne connaissais pas, en qui tu n'avais pas confiance, tu les tuais » (…) « Tuer ou mourir, le reste n'était que mensonges ». À Portland comme au Vietnam, la vérité est-elle si différente ?

« Sans la justice de la rue, il n'y aurait aucune justice. le tribunal ne leur fait pas peur. Il faut qu'ils aient peur de nous ». A des milliers de kilomètres de distance, la logique guerrière est restée la même. Alors Hanson se bat, ne trouvant de brefs apaisements que dans la solitude de sa maison et la compagnie d'un vieux chien recueilli, espérant juste l'éventualité de quelque chose après la mort et, plus rapidement, un retour à la maison dans le Montana.

« Chiens de la nuit n'est pas seulement un très bon livre, c'est un livre capital ». Encore une fois, Crumley a les bons mots sur ce livre qui est une parfaite définition de ce qu'est le noir, qui dit mieux que beaucoup d'autres les traumatismes du Vietnam et dont la puissance du style t'embarque dans une atmosphère dont tu mets quelques temps à ressortir.
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