Bande-annonce de PAS DE SAISON POUR L'ENFER - Kent AndersonKent Anderson, auteur du roman culte Sympathy for the devil, est de retour avec un recueil autobiographique inédit. Il a beau essayer d'oublier la guerre du Vietnam en se ressourçant dans...
- Ne nous emballons pas, dit Helen. Elle vient juste pour déposer un devoir. D’ailleurs, ce n’est pas ton genre.
- Ça veut dire quoi « pas ton genre » ?
- Elle est normale.
Helen, la femme de Dana qui fait équipe avec Hanson, le mec pas très normal a priori puisqu'il a fait le Vietnam !
Une société armée, songea Hanson, est une société polie.
- Faut réfléchir à deux fois avant de coucher avec une femme flic, mon vieux. T'imagine la scène ? Faut d'abord qu'on enlève nos flingues et nos matraques, nos pompes de sécurité, avant de baisser nos frocs d'uniforme qui ressemblent à des sacs à patates. "Attends ma chérie, je vais t'aider à enlever ton gilet pare-balles." Ouch-Ouch... Un accouplement de tatous.
Il portait un short bleu marine en élasthanne longueur genoux et un Marcel avec des éclairs SS de chaque côté du mot Blitzkrieg ! Yeux bleus, QI de quatre-vingt-cinq. Blond. Coupe en brosse et, évidemment, moustache à la Fu Manchu. Dans les un mètre quatre-vingts. Des bras aussi longs que les jambes de Hanson. Gros trapèze, pas de cou.
- Bonjour, lui lança Hanson la bouche sèche.
Ses crampes d'estomac revenaient à l'attaque.
- Bonjour ? C'est tout ce qu'y a à dire ? Lui cracha Paul en essayant de ne pas paraître essoufflé. Bonjour, ça marche pas. T'as un mandat, mec ?
- Je n'ai pas besoin de mandat, monsieur. On n'est pas dans une série télé. Votre femme a appelé la police et m'a laissé entrer.
- Ma femme ? C'est ce qu'elle a dit ? Je suis pas marié à cette conne.
Mais les simples agents de police en poste à North, les flics de base, demandaient à être affectés à l'"Avenue", car ils étaient plus près du crime, et ils aimaient ce boulot. C'étaient des provocateurs, des frimeurs, des salopards, des camés à l'adrénaline qui revenaient du Vietnam, des spécialistes des heures sup' qui se faisaient soixante mille dollars par an, des "superflics" ayant tous quelque chose à prouver, tant ils craignaient d'être des tapettes ou des trouillards ; c'étaient des purs et durs, des racistes, des sadiques, des maniaco-dépressifs qui se servaient de l'adrénaline et de la fatigue pour tenir leurs démons en respect, et qui paraissaient sains d'esprit tant qu'ils marchaient dans les rues avec un flingue ; des bons flics pour la plupart.
Là-bas dehors, dans l’obscurité, tout n’était que chance et malheur, se dit Hanson. La police ne pouvait pas protéger tout le monde.
Il courait à plein régime maintenant, avec ces Cobras au-dessus de lui, sur lui, revivant, l'espace d'un instant, cet après-midi où il avait tué quatorze hommes, la plus belle journée de sa vie.
Il sortit de sa chemise un objet pendu à sa chaîne d'or, un petit sablier taillé dans un cristal de quartz clair, serti d'or, rempli au lieu du sable, de minuscules pépites de diamants. Il rouvrit les yeux, le prit entre le pouce et l'index, le retourna et observa les grains étincelants couler par le goulet et s'amonceler au fond.
Les chars et les APC étaient pis qu'inutiles, dans la fluide guérilla de la jungle mais lorsque les militaires disposent d'un matériel donné, ils doivent impérativement s'en servir et justifier, par cet usage, la production proliférante dudit matériel. C'était bon pour l'Economie. Les sénateurs devaient veiller à maintenir le niveau de l'emploi dans leur district, et même l'accroître, s'ils tenaient à être réélus, et le Pentagone, de son côté, désirait ardemment entretenir la bonne volonté des sénateurs à son égard, pour qu'ils continuent de lui voter les budgets militaires appropriés. Et si un brigadier général comme Frédéric Hart voulait sa seconde étoile, il avait intérêt à utiliser le matériel, et même avec enthousiasme.
Résultat, on assistait à ce spectacle de quatre mômes tout juste sortis du lycée montés sur un char d'un million de dollars et traquant quatre mômes en pyjama noir.
Dans l'armée, avait-il fini par comprendre, la seule chose que vous possédez en propre, c'est l'espace qu'occupe votre corps. C'est là tout ce qu'ils vous laissent vous approprier, et il n'y a nulle part ailleurs où aller.