Le temps paraissait interminable, chaque seconde qui s’écoulait était un défi. Le soulagement était perceptible lorsque le cliquetis du crochet de la porte se refermait derrière lui et que son ombre disparaissait dans le corridor. Chacun pouvait se remettre à respirer sans craindre l’insupportable.
Certains objets sont des témoins privilégiés de l’Histoire, des passeurs du temps demeurant muets. Sans en avoir la fonction ni le désir, ils regorgent de secrets extraordinaires qui ont marqué ou endommagé leurs lignes originelles. Dans l’indifférence des contemporains, ils emplissent les pièces tranquilles de familles heureuses, loin des vies tyranniques d’antan, des guerres, des déchirements humains qui ont façonné le monde apaisé dans lequel certains vivent aujourd’hui en Occident.
Leur rendre hommage, c’est les considérer, leur attribuer le crédit de l’expérience, essayer de comprendre leur parcours, connaître leur provenance, découvrir les pays qu’ils ont traversés et ne jamais les abandonner au fond d’une remise pour une simple raison de mode. Non, prêtez-leur attention, passez vos doigts indulgents sur les cicatrices qui rainurent leurs surfaces, sentez l’odeur du bois ou du cuir patiné par les couches de cire comme les stries d’un arbre centenaire. Ils sont presque vivants quand on sait les faire parler, ils nous écoutent.
Ce qui appartenait au passé ne devait pas être ressuscité.
L’ignorance n’était-elle pas la solution la plus raisonnable dans de telles circonstances ? Cette situation, inchangée depuis des décennies, attendait certainement qu’un curieux, poussé par une envie incontrôlable, la fasse basculer dans une autre dimension, celle du chaos.
La traversée fut un peu mouvementée, mais le confort des fauteuils et les prestations haut de gamme de la compagnie firent oublier les tracas des aléas climatiques rencontrés au-dessus de l’océan. La statue de la Liberté allait bientôt se dessiner à l’horizon, la convoitise devenait enfin réalité.
« Tous les trésors de la terre ne valent pas le bonheur d’être aimé. »
Pedro Calderon