La majorité de mes ancêtres m’est inconnue, mais leur histoire n’en est pas moins mon histoire. Elle est aussi, peut-être surtout, une parcelle de l’histoire du monde. Dans le moindre de leurs gestes retentit tout ce à quoi ils n’ont jamais pu atteindre, mais dont leurs chairs ont fidèlement, jusqu’au plus intime, retransmis les résonances. De leur vécu, il reste ce qui m’a été transmis, et puis ce qui en existe parce que j’ai décidé qu’il en était ainsi. Je suis d’autant plus moi que mes aïeux se tiennent tous à mes côtés, moi qui ai patiemment reconstruit leurs existences sur l’échiquier du temps. Je suis venue leur rendre hommage, restituer leur histoire pour en dégager la mienne et lui permettre de se dissoudre à son tour. Alors, alors seulement, je pourrais les laisser aller, avec tout l’amour qu’ils m’ont donné.