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Critique de berni_29


N'avez-vous jamais eu envie de chavirer dans les yeux de l'être aimé ? de vous y perdre, de vous oublier ?
Mais que seraient les yeux sans les mains, que seraient les mains sans des gestes d'offrande ou d'amour. Oui, je sais bien, parfois les mains peuvent faire mal aussi.
Que seraient les yeux sans ce coeur qui aime, qui espère ?
Que serait ce coeur sans ce corps qui attend ?
Les Yeux d'Elsa m'ont fait du bien en lisant ce recueil pour la première fois. Bien sûr je connaissais le célèbre poème éponyme de Louis Aragon, mais pas l'ensemble du livre.
Nous frôlons des oiseaux, merles, mésanges, passereaux, rouges-gorges, chardonnerets, ceux que j'aime côtoyer du regard parmi les ramures d'ici, les ailes me sont venues juste peu après avoir lu ces vers.
Je me suis posé sur un arbre, j'ai contemplé le monde. C'est la poésie qui me donne cette légèreté, cette sensation d'apesanteur. Et Aragon a ce pouvoir magique de me donner des ailes.
Un oiseau blessé traverse le paysage des pages, j'ai l'impression de lui ressembler. Comment a-t-il fait, Aragon, pour deviner cela, ce qui trottait dans ma tête comme un moineau ?
Les mots d'amour s'entrelacent ici avec le désir, la jalousie et la guerre, comme si tout ceci appartenait à la même histoire. Sans doute que c'est cela, une même histoire capable d'emporter tous les désirs, toutes les passions jusqu'au point de vouloir survivre lorsque la haine survient avec ses outrages et ses guerres.
Se perdre dans les profondeurs des yeux d'Elsa. Aimer ces yeux, c'est une invitation au voyage, à la dissidence, à la résistance...
En lisant Les Yeux d'Elsa, j'ai pensé à ma mère qui avait aimé pendant la guerre, je me suis demandé si, à chaque fois qu'elle quittait celui qu'elle aimait et qui fut fusillé par la Gestapo, elle photographiait ses yeux d'un battement de paupières, imaginant qu'elle le voyait, l'étreignait peut-être pour la dernière fois...
Une chanson parfois traverse ces poèmes comme un courant d'air.
L'écho des chars vibre parmi le battement d'un coeur qui aime. Comment ces deux bruits peuvent-ils se réunir dans l'harmonie d'un vers ?
Ce soir en écrivant cette chronique, j'ai pensé à une autre guerre actuelle là-bas tout près de chez nous, à trois heures d'avion de Paris. J'ai imaginé qu'un soldat ukrainien plongé dans la boue d'une tranchée, défendant sa patrie coûte que coûte, attendant l'ennemi russe en face, écrivait une lettre d'amour à celle aimée demeurée à un autre endroit du pays, pensant à ses yeux, tenait debout grâce à cela, grâce à des yeux aimés, aimants...
« La beauté d'aujourd'hui porte de sombres fleurs
Et parle du soleil avec les yeux fermés. »
Des yeux d'Elsa, il n'y a qu'un pas, une passerelle, un chemin pour aller jusqu'à son corps. J'ai imaginé un instant être Elsa, mon corps ébloui couvert des mots de son amant. J'ai imaginé ses mots capables de déshabiller Elsa, capable de caresser son corps, de l'étreindre, de lui offrir une joie intense, immense...
Elsa, son corps présent et absent dans les bras de celui qui écrit cet amour, tandis que la guerre gronde au loin.
« Aucun mot n'est trop grand trop fou quand c'est pour elle. »
Je suis presque jaloux d'Aragon, j'aurais tellement voulu être celui qui le lui aurait dit le premier.
La peur de perdre celle qu'on aime.
Elsa, ce sont des yeux de femme, des yeux d'enfant, des yeux aimants, aimés.
Les Yeux d'Elsa, ce sont aussi des larmes, océan rempli de cette eau qui s'y déverse.
Coudre, découdre les mots, les phrases.
Le ciel à qui l'on parle devient à portée de mains.
Des ombres aux pieds d'argile s'entremêlent à ces mots.
Ephémères, fragiles.
Les mots de la poésie d'Aragon me rendent ivres sans alcool.
Les Yeux d'Elsa n'est pas un mythe infranchissable. Il suffit de regarder l'autre que l'on aime et de s'y plonger.
« Neige qu'on voit en plein mois d'août ».
Ces vers, je les ai aimés.
C'est un chant d'errance.
J'ai été envoûté par Les Yeux d'Elsa, leurs cillements qui trouent les ténèbres.
J'ai aimé Elsa et ses yeux. J'ai aimé découvrir le monde, ses ruines, ses espérances, à travers Les Yeux d'Elsa.
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