L’amour ne s’impose pas, il se donne…
(page 255)
Je referme les portes de l'armoire et garde ma tenue de travail. Je ne veux pas avoir l'air belle, je ne veux pas suivre de conseils, je ne veux plus obéir à personne. A quoi ça m'a servi ? A la place des tables de multiplication et des verbes irréguliers, on aurait dû nous apprendre à dire non, parce que dire oui, les filles l'apprennent dès leur naissance.
page 236
Tu sais ce que c’est, les enfants ? C’est comme ces graines apportées par le vent qui viennent germer sur ta terre, il faut les laisser pousser pour savoir quel fruit elles donneront, on ne peut pas le deviner à l’avance.
(page 350)
Toutes mes enseignantes ont menti : les tables de multiplication sont un leurre, le passé antérieur un mensonge, les formes active et passive, mais où est donc Ornicar, le complément d’objet, les idées de mars, viens mon chou, mon bijou, viens sur mes genoux avec des joujoux et des cailloux pour éloigner les vilains hiboux pleins de poux : tout est mensonge et, seule, chagrine, je chute.
(page 220)
Si j’étais née garçon, comme Cosimino, j’aurais pu rester avec moi-même, sans devoir appartenir à un homme. Mais je suis née fille, et le féminin singulier n’existe pas, même si notre institutrice Rosaria n’était pas d’accord.
(page 177)
La maîtresse fixait des étoiles sur le tablier blanc des écolières les plus studieuses. Les règles des étoiles, c’était : lis sans ânonner, écris sans tâcher ta feuille et calcule dans ta tête, sans compter sur tes doigts.
Liliane n’est pas comme moi : elle est belle, et malgré cela elle ne pense proprement pas à se marier. Elle dit qu’une femme a besoin d’un homme comme une brebis d’un accoutrement de cérémonie.
( Liliana non è come me: lei è bella, ma nonostante questo a maritarsi non ci pensò proprio . Dice che una donna ha bisogno dell’uomo come una pecora di un vestito di cerimonia )
*Des ados de 15 ans dans la campagne sicilienne, années 60.
Il en va ainsi avec les peurs : ce sont des portes qui n’existent que jusqu’au moment où on a le courage de les franchir.
(page 367)
On fait tous de la politique, d’une manière ou d’une autre. Tout est politique : nos choix, ce que nous sommes prêts ou pas à faire pour nous et pour les autres…
Soudain, j’ai cessé de me sentir ratée : si j’étais jolie aux yeux de ma mère, c’est que je l’étais pour de bon. Si ma mère me voyait, le monde me voyait. J’avais franchi le seuil de l’invisibilité. J’étais une femme, comme elle.
(page 85)