tu sais ce que sait , les enfants ? C'est comme ces graines apportées par le vent qui viennent germer sur ta terre, il faut les laisser pousser pour savoir quel fruit elle donneront, on ne peut pas deviner à l'avance. Je croyais avoir trois plantes chétives et j'ai découvert dans mon champ trois arbres robustes et fructueux. La vie peut toujours renaitre, même sur une terre brûlée par le sel. (page 350)
Je ne veux pas avoir l’air belle, je ne veux pas suivre de conseils, je ne veux plus obéir à personne. À quoi ça m’a servi ? À la place des tables de multiplication et des verbes irréguliers, on aurait dû nous apprendre à dire non, parce que dire oui les filles l’apprennent dès leur naissance.
On n'arrête pas de regretter sa terre d'origine, même quand elle nous est devenue étrangère. (p. 322)
C'est pour ça que je cours tout le temps dans la rue : l'air qu'expirent les garçons est comme celui d'un soufflet qui aurait des mains et pourrait toucher ma chair. Alors je cours pour devenir invisible, je cours avec mon corps de garçon et mon coeur de fille, je cours pour toutes les fois où je ne pourrai plus, pour mes camarades qui portent des chaussures fermées et des jupes longues, qui ne peuvent marcher qu'à petits pas lents, et puis aussi pour ma soeur qui est enterrée chez elle, comme une morte, mais vivante.
“Alors, il est comment, ton mari ? Il ressemble à quel acteur ?”
Tindara croisière les bras sur sa poitrine. “Je ne sais pas…”
- Tu ne sais pas s’il est beau ou moche ? “ insiste Crucifissa.
Tindara baisse la tête, honteuse, et met un peu de temps à répondre. “Je ne l’ai jamais vu. C’est ma tante qui s’est occupée de tout”, finit-elle par avouer.
Nous volia déroutées. Nous croyions que les mariages arrangés sans que les futurs epoux se rencontrent étaient une pratique révolue. “Moi, je lui donne ma pureté et lui il me donnera une position sociale, se justifie-t-elle, répétant comme un perroquet les phrases que la bonne du curé lui a sans doute dites. C’est le fondement d’un mariage heureux.”
Les règles du bal, c'est : tiens-toi au large des garçons, ne chante pas à gorge déployée, ne remue pas les hanches comme une possédée.
P 98-99
Pourquoi est-ce qu'on a besoin de combats, de pétitions, de manifestations ? De brûler nos soutiens-gorge, de montrer nos culottes, d'implorer les gens de nous croire, de faire attention à la longueur de nos jupes, à la couleur de notre rouge à lèvres, à la largeur de nos sourires, à l'intensité de nos envies ? En quoi suis-je responsable d'être née femme ?
Il en va ainsi de ses peurs : ce sont des portes qui n’existent que jusqu’au moment où l’on a le courage de les franchir.
Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse, dit toujours ma mère.
A la place des tables de multiplication et des verbes irréguliers, on aurait dû nous apprendre à dire non, parce que dire oui les filles l’apprennent dès leur naissance.