-Quand je t'embrasserai enfin, tu ne douteras pas un seul instant que tout cela est réel.
-Je suis content de ne pas t'avoir embrassée.
Quelque chose s'est brisé dans ma poitrine.
-Pourquoi ?
Ma voix n'était rien de plus qu'un murmure tremblant.
-Parce que quand je prendrai enfin tes lèvres, il ne sera plus question de faire semblant. Je ne te montrerai pas ce que ce serait si tu étais à moi. Je te montrerai ce que c'est. Et je ne chercherai pas à te prouver à quel point tu te sentirais bien si j'étais à toi. Tu sauras déjà que c'est le cas.
-Et maintenant ? Es-tu complètement heureux, Aaron ?
Les doux frôlements de ses doigts contre les miens se sont arrêtés, et il n'a pas hésité à répondre :
-Pas encore. Mais je fais tout mon possible pour y arriver.
-Tu ne le sais pas, pas encore, a-t-il dit contre mon oreille, puis ses lèvres se sont posées sur ma joue, me coupant le souffle. Mais tu finiras par me faire confiance, je vais m'en assurer.
-Je l'ai pratiquement virée de mon bureau alors qu'elle avait fait l'effort de m'offrir un cadeau.
La voix d'Aaron était dure à présent.
-Un putain de cadeau de bienvenue.
J'ai ouvert les yeux juste à temps pour le voir tourner la tête dans ma direction. Nos regards se sont croisés.
-Comme le gros con que j'avais annoncé que je serais, je l'ai chassée. Depuis, je regrette ma réaction chaque fois que cette scène me traverse l'esprit. Chaque fois que je la regarde.
Il n'a même pas cillé pendant qu'il parlait, me regardant droit dans les yeux. Et je ne pense pas l'avoir fait non plus. J'avais sans doute même cessé de respirer.
-Tout ce temps gâché si bêtement... Tout le temps que j'aurais pu passer avec elle.
Un monde parfait où la vie suivait un cours ordonné et idéal n'existait pas. La vie était désordonnée et souvent difficile. Elle n'attendait pas que l'on soit prêt ou que l'on anticipe les bosses sur le chemin. Il fallait s'accrocher au volant et continuer d'avancer en essayant de trouver sa voie. Et c'était ce que j'avais fait. Ce qui m'avait conduite là. Pour le meilleur et pour le pire.
-Ensuite, il y a la façon dont il te regarde depuis que nous sommes arrivés.
Quoi ?
-Ça doit faire, quoi ? Deux heures. Et il n'arrête pas de te mater. Il suit le moindre de tes mouvements, comme si tu laissais dans ton sillage des arcs-en-ciel et des traînées de paillettes. Je serais écœurée si je n'étais pas moi-même amoureuse.
-Tu n'es plus seule désormais. C'est toi et moi, maintenant. On est dans le même bateau, et on va y arriver.
-Ou peut-être qu'on devrait revoir des trucs plus basiques, comme ma couleur préférée, le film qui me fait pleurer ou ce dont j'ai le plus peur.
Aaron s'est dégonflé sur son siège.
J'ai ouvert la bouche, mais il a levé la main pour m'interrompre.
-La couleur corail. P.-S. : I Love You. Et les serpents ou tout ce qui y ressemble de près ou de loin.
-Est-ce que j'ai ton attention ?
-Tu n'as pas besoin d'en faire autant.
Il a baissé les grandes pages imprimées en noir et blanc d'un geste vif.
-Tu auras toujours toute mon attention, Catalina.