Avoir raison avec
Raymond Aron, car il a beaucoup vécu, tout vu, tout compris. Les lecteurs parfois irrités, toujours fascinés, et même les anciens marxistes repentis de la guerre froide et les nouveaux philosophes lui doivent plus qu'ils ne l'avouent, et plus généralement tous les hommes d'intelligence et de liberté reconnaîtront dans les
Mémoires de ce témoin privilégié, la marque de tous les doutes, de toutes les inquiétudes et de toutes les espérances qui les habitent. Grand observateur à la fois distancé et gourmand d'une actualité hallucinante, Aron a témoigné à sa manière de la grandeur irréductible de la conscience occidentale.
Sentinelle de la liberté, il a évité en leur temps les pièges des totalitarismes nazi ou stalinien et sut dénoncer dans la vulgate marxiste alors en honneur à Saint-Germain-des -Prés, un véritable opium des intellectuels qui intoxiquaient une génération d'esprits brillants menés tambour battant par
Jean-Paul Sartre et
Simone de Beauvoir. Il a sans doute eu parfois le regret; et si ses
Mémoires s'en font l'écho de ne pas avoir été, ni un homme de plaisir comme son frère Adrien, ni un écrivain à part entière comme
Sartre ou Camu, ni un homme d'action comme
De Gaulle ou Kissinger, il a eu l'immense sagesse d'étouffer en lui ces tentations éclatées pour se consacrer exclusivement à l'exercice souverain de l'intelligence critique.
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