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Critique de motspourmots


Il y a une certaine logique de transmission dans le palmarès du prix France Bleu / Page des Libraires, d'un chantier naval à l'autre, du Tant qu'il reste des îles de Martin Dumont lauréat 2021 à de notre monde emporté de Christian Astolfi couronné en 2022. le fil qui les relie c'est l'humain, la camaraderie, cette relation singulière qui se crée autour de la fabrication d'un bateau, pièce unique qui nécessite la mise en oeuvre de compétences, un tempo, une réunion de savoir-faire bien spécifiques et complémentaires. C'est ce que Christian Astolfi fait tellement bien passer avec sa prose sobre mais précise, au service de l'orchestre qu'il dessine, car oui, ce chantier de la Seyne-sur-Mer fonctionne comme un orchestre bien réglé où se succèdent choeurs et solos parfaitement exécutés. le narrateur y est entré en 1972, sur les traces de son père et il y a grandi aux côtés de ceux qui sont peu à peu devenus une seconde famille. A chacun son surnom, c'est la tradition, lui est maintenant Narval à la suite d'une journée mémorable. Les conditions de travail sont difficiles, dans la graisse, le bruit incessant des machines, la chaleur, mais les géants qui sortent de là font la fierté de tous ces hommes. C'est leur vie, leur raison d'être. Pourtant, l'activité tangue, au début des années 80 et malgré l'espoir né de l'arrivée de la gauche au pouvoir fêtée dans la liesse, les chantiers sont restructurés puis, quelques années plus tard complètement fermés. Pour certains c'est une sorte de mort, mais ils ne savent pas encore que la mort, la vraie rôde insidieusement dans leurs organismes exposés à l'amiante.

Sous la plume inspirée de Christian Astolfi c'est tout un monde qui renaît. Il y a de la chair, des bruits et des sensations dans ces pages qui racontent la vérité d'une fierté de travailleur et les espoirs floués, qui disent la réalité humaine face au système qui broie. Il y a tout ce qui n'apparaît jamais dans un compte-rendu journalistique, l'essence d'un être dont la vie se confond avec le labeur au point de ne plus trop savoir qui il est une fois arraché à sa tâche. Est-ce que cet investissement corps et âme valait le coup pourrait-on se demander ? L'auteur glisse habilement la question qui ne prend jamais le pas sur l'entreprise mémorielle de ce texte. Depuis le début ce sont les hommes qui comptent, ce sont eux dont il faut se souvenir par ces temps de luttes jamais interrompues.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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