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Critique de seshat123


« N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Simone de Beauvoir

« La servante écarlate », roman publié en 1985, résonne bien bizarrement. Entre l'Amérique de Trump, l'État islamique et des droits qui resteront à jamais à défendre, le roman fait froid dans le dos. Trente ans après son écriture, cette dystopie flirte de près avec la réalité, les actualités du 20 heures.

Le synopsis, pour ceux qui auraient échappé au raz-de-marée causé par l'excellente série américaine :
« Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d'esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, " servante écarlate " parmi d'autres, à qui l'on a ôté jusqu'à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. le soir, en regagnant sa chambre à l'austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler... »

La sortie des premiers épisodes aux États-Unis a précédé de peu l'élection du président Trump. Certaines américaines, inquiètes pour leurs droits civiques, se sont alors demandées si le livre était prémonitoire. Par la suite, des militantes féministes ont revêtu la cape rouge des Servantes Écarlates pour défiler dans le pays contre la suppression du financement du planning familial. Alors à quoi ressemble-t-il ce livre que certains considèrent comme le pendant féministe du « 1984 » d' Orwell?

La plume de Margaret Atwood est « classique », certaines expressions m'ont paru presque désuètes, je me suis demandée si la traduction que j'avais ne pourrait pas être un peu dépoussiérée... le rythme est assez lent, beaucoup de descriptions, d'introspection de la part de Defred, des allers-retours dans le temps, et somme toute assez peu d'action. « La servante écarlate » est un roman qui se déguste doucement. Il n'en est que plus glaçant, plus dérangeant. Defred se plonge souvent dans ses souvenirs avec ce qui pourrait sembler être du détachement, il s'agit en fait d'une mise à distance de la réalité, de son quotidien. Pour se protéger. Une froideur uniquement apparente car Defred s'accroche désespérément à ses souvenirs pour ne pas sombrer.

Imaginez, imaginez son monde. La république de Gilead est féroce avec toutes les femmes fécondes ou non. Servantes (vouées à la reproduction), simples Marthas (domestiques), Épouses (réduites à tenir les poignets, pendant l'acte, de celle que leur époux doit féconder) partagent le même cauchemar. Les rebelles, les femmes âgées, les inutiles sont envoyées aux colonies, on les appelle les Antifemmes. Des castes, toutes opprimées ; pas de plaisir, c'est contraire à l'ordre moral ; du rationnement (tickets alimentaires) ; un endoctrinement religieux omniprésent et le bras armé de la dictature : les Yeux. La peur règne. La violence est tapie derrière les portes.

L'enchaînement d'événements à l'origine de Gilead me fait encore plus peur que la république elle-même : un problème de pollution, de déchets toxiques, une perte de fécondité, des fanatiques religieux qui prennent le pouvoir en se jouant de la peur, un putsch militaire et les habitants se retrouvent piégés dans cet îlot de non-droit. Cela semble tellement possible. C'est effrayant.

J'ai beaucoup aimé ce roman, même si le style m'a semblé daté parfois, les personnages sont puissants, impossibles à oublier. Gilead semble à portée de... fusils ? Désastre écologique ? Textes religieux ? On lit .On réfléchit. On s'indigne. On tremble pour elles. On espère un lendemain privé de rouge. Et on finit le livre à bout de souffle.

Je recommande à chacun l'histoire de Defred. Et aux jeunes femmes qui lisent mes mots, n'oubliez jamais les premières lignes de ma chronique .

PS : Ne croyez pas que les hommes soient épargnés dans ce roman, leur condition n'est pas très enviable, mais pour cette chronique j'ai laissé ma plume ne parler que de femmes. C'est un choix personnel.
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