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Critique de Sarindar


Pierre Aubé, qui fut le grand biographe de Baudouin IV le Lépreux, de Renaud de Châtillon et de Thomas Becket, a aussi parfaitement réussi son portrait de Godefroy de Bouillon, bien que l'histoire de ce dernier soit piégée. On sait que la légende s'est rapidement emparée du personnage. Les grands hommes du XIe siècle sont nombreux à baigner dans cette atmosphère mythique : il en va ainsi de Guillaume le Conquérant, mais plus encore, peut-être, de Godefroy de Bouillon.

Tout a été réécrit parce que l'on ne pouvait imaginer des choses communes pour un homme qui participa à cette formidable aventure que fut la Première Croisade. Et l'histoire de celle-ci fut totalement réinventée par le "chroniqueur" Guillaume de Tyr dont les écrits doivent être lus avec beaucoup de précautions.

Alors sur quoi tomber d'accord à propos de Godefroy ?

Pour répondre à cette question, il faut d'abord faire un véritable nettoyage ; Pierre Aubé a préféré entrer immédiatement dans le vif du sujet, toutes choses fausses déjà écartées, ou presque, car Pierre Aubé n'a pu éviter quelques erreurs. Mais, toute compte fait, Il a fait un véritable travail d'historien.

C'est d'abord sur le nom de Godefroy de Bouillon que l'histoire vient buter. Car ce nom de Bouillon n'est pas le bon : on devrait plutôt le désigner sous le nom de Godefroy de Boulogne. C'est là que l'on dit qu'il est né (certains disent que cette naissance se situe à Baisy-Thy, près de Genappe, mais il y a peu de chances que cela soit exact).
L'année ? 1058, 1059, 1060 ? Qui peut le dire avec assurance ?
Est-il Français ou Belge ? Quelle importance ? Il voit le jour dans une terre qui relève de la France : Boulogne, mais il est, de par ses origines, sujet du Saint-Empire romain germanique, c'est le certain.
Eut-il comme précepteur Pierre l'Ermite ? Cela paraît peu probable. Il eut surtout pour mentor l'évêque Henri de Verdun.
Aida-t-il à écarter du trône impérial Rodolphe de Souabe en tuant de sa main le favori du pape Grégoire VII lors de la bataille de l'Elster ? Participa-t-il vraiment à cet engagement ? Et fit-il intrusion au Latran avec Henri VI lors de l'entrée des troupes germaniques dans Rome ? Tout cela ne repose que sur les dires de tel ou tel chroniqueur alors que d'autres ne soufflent mot à ce sujet.
Pierre Aubé balance un peu sur tous les sujets. On voit bien que l'histoire réelle est difficile à départager d'avec des anecdotes fabriquées pour donner au légendaire héros de la Première Croisade un glorieux passé.
Il est bien devenu cependant, vers 1087, duc de Basse-Lotharingie, comme ses ancêtres, avec l'accord, difficile à obtenir, de l'Empereur.

Lorsque le pape Urbain II lance son appel à la Croisade, en 1095, Godefroy ne tarde pas à se porter présent. le 15 août 1096, accompagné ou rejoint par ses frères Eustache et Baudouin, il serait parti à la tête d'une force imposante. Une des quatre armées qui devaient se retrouver sur les chemins de la Terre Sainte trois ans plus tard. D'autres groupes se constitueront en se formant autour de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, de Bohémond de Tarente, de Robert de Normandie, d'Étienne de Blois ou encore de Robert de Flandre.
Ces troupes ne laisseront pas toujours derrière elles que de bons souvenirs, notamment auprès des communautés juives. En novembre 1096, elles convergeront vers Constantinople, où elles seront plus ou moins bien accueillies.
Une difficile traversée de l'Anatolie, une bataille victorieuse à Dorylée, un long siège devant Antioche, retarderont la progression de cette vague vers Jerusalem. La Ville Sainte ne sera prise que le 15 juillet 1099, après une attaque couronnée de succès par l'utilisation d'une énorme et haute tour roulante dans laquelle Godefroy et ses hommes s'etaient abrités.
La suite est moins reluisante, car tandis que Godefroy, flanqué de Syriaques et de Grecs, organise une procession religieuse vers le Saint-Sépulcre, ses compagnons d'armes vont se livrer aux pires atrocités dans le lieu qui vit mourir Jésus. Situation incroyable !
Est-ce que les mains de Godefroy, dans cette affaire, sont aussi blanches que le disent certains ?
A-t-il refusé de se faire couronner roi de Jérusalem pour ne pas avoir la prétention de poser sur sa tête une couronne d'or dans le lieu où Jésus eut le chef couvert d'une couronne d'épines avant d'être crucifié par les soldats romains ? Il ne voulut porter que le titre d'Avoué du Saint-Sépulcre et non celui de roi.
On voit que la légende s'est très tôt développée autour de cet homme qui aurait pu être comparé à un nouveau Josué.
Mais l'habit de Croisé endossé par Godefroy et la situation militaire ne purent lui laisser aucun répit. A peine eut-il doté sa nouvelle grande seigneurie, constituée d'un petit royaume et d'au moins quatre grands fiefs, d'une véritable charte lors des Assises de Jérusalem, qu'il dut remonter en selle. Il serait mort le 18 juillet 1100, de retour d'une expédition au Sawad contre le sultan de Damas après avoir reçu une flèche ou mangé une pomme empoisonnée selon les uns ou
avoir été gagné par la peste selon les autres.
On le voit, l'histoire de cet homme oscille toujours entre plusieurs versions et interprétations des faits différentes.
Mais, le plus souvent, toutes tendent à donner à Godefroy une apparence de héros quasi-mythique. le personnage sera tellement adulé qu'on n'hésitera pas à faire de lui l'un des Neuf Preux de la légende.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).







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