Envie de disparaître. C'est une technique de survie qu'emploient certains animaux. En cas de danger, l'opossum se fait passer pour mort en ralentissant son rythme cardiaque. Il parvient à simuler la rigidité cadavérique, l'oeil vitreux, la langue pendante et pousse le réalisme jusqu'à sécréter une substance qui imite l'exacte odeur de la putréfaction des chairs. "Que ne suis-je un opossum !" me disais-je...
J’ai contracté d’un seul coup tous mes muscles puis j’ai rejeté ma tête en arrière sur le dossier du canapé en essayant de faire rouler mes globes oculaires. Pour finir, j’ai laissé pendre ma langue sur le côté de la bouche en poussant un râle.
- "Qu’est-ce qui vous prend ? "
Il ne me restait plus qu’à rester immobile et à attendre qu’elle finisse par tourner les talons. Ça prendrait le temps qu’il faudrait mais j’étais assez confiant. Je la tenais enfin la stratégie de l’opossum
Cuisiner ressemble à la pêche, je me disais, en nettoyant mes légumes, un truc efficace pour se vider la tête. Les hommes n'ont de cesse de chercher des occupations destinées à évacuer le trop-plein. Moi, j'avais trouvé la pêche et la cuisine et c'était tout aussi bien que d'épuiser son corps à faire des footings imbéciles.
L'air scintillant chargé d'humidité et de sel vaporisait alentour ses fragrances d'algues et de pourriture marine....
... Le vent est tombé avec le jour qui faiblissait. L'étang était devenu aussi lisse et sombre qu'une étoffe de soie. A chaque coup de pagaie, l'étrave du kayak déchirait la surface comme un gigantesque ciseau. Tout n'était que silence et immobilité. Il faisait juste frais comme il fallait et dans l'air flottait un parfum sucré de barbe à papa.
J’ai continué chemin, un peu sonné. Les coups de théâtre se succédaient si vite. J’avais le sentiment d’avoir vécu toutes ces années au ralenti et que soudain quelqu’un venait de changer la vitesse de rotation de la Terre. J’essayais de conserver mon équilibre, mais je devais lutter sans cesse contre une force centrifuge qui essayait de me projeter hors de moi-même. J’vais encore tous ces machins qui virevoltaient à l’intérieur de ma tête lorsque je suis arrivé devant Vieux Bob.
Elle a attendu la fin de ma phrase pour esquisser un mouvement un peu théâtral, un geste inhabituel, une sorte de révérence irrévérencieuse. J'ai supposé que c'était destiné à m'inviter à la laisser entrer. Je me suis effacé sans trop comprendre et elle s'est engouffrée dans ma cabane comme une bourrasque de vent.
Il avait le statut d’autoentrepreneur. C’était le truc à la mode. Les employeurs avaient trouvé la solution. Ils externalisaient les travailleurs. Bienvenue dans l’ère des salariés Kleenex. Certains utilisaient les termes de flexibilité ou d’outsourcing. C’est vrai que ça passait mieux avec ce vocabulaire.
En quelques générations, tout avait été vendu à des promoteurs immobiliers qui avaient des grues à la place des bras et un coffre-fort à la place du cœur.
De l’autre côté de la rue, sur un des murs du hangar jaune et bleu, il y avait un graff immense qui reprenait une phrase de Brassaï en lettre multicolores. Il semblait avoir été écrit spécialement pour moi.
« On se demande parfois si la vie a un sens.
Puis on rencontre des êtres qui donnent un sens à la vie. »
- Un de mes instructeurs à Fontainebleau disait toujours que la vie d’un enquêteur est un combat sans espoir contre les forces du mal.
- On peut dire ça de la vie en général, non ?
- On dirait une baleine endormie, a soudain dit Lizzie.
- Vous ne croyez pas si bien dire, Sète tire son nom du latin xérus qui veut dire cétacé. Les marins, arrivant du large, apercevaient au loin la silhouette du mont Saint-Clair se détacher sur l’horizon. Ils pensaient qu’il s’agissait d’une grosse baleine échouée.