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3,59

sur 133 notes
La scène inaugurale, extraordinaire de violence inouïe, semble prévenir le lecteur : si tu continues, tu sais ce qui t'attend, sans masochisme mais tu vas être bousculé dans tes certitudes dans une expérience de lecture atypique et tellurique. L'auteur ne cache pas ses intentions et en même temps, il offre tellement plus que de la violence, aussi de la poésie dans la description d'un univers d'une sensualité folle. Et surtout le portrait d'une femme que l'on voit naître puis grandir.

Grand nord canadien, XVIème siècle. Fille-Rousse vit au sein de la tribu des Yeux-Rouges, en guerre permanente avec celle des Longues-Tresses. C'est une de ces héroïnes inoubliables. En rupture avec les injonctions faites aux femmes, dès son enfance, elle s'oppose aux normes de genre et veut nager, chasser, parcourir la taïga, plonger comme les garçons. Suite à une naissance nimbée de mystères au pied de l'Arbre colère sur une île sacrée, le chaman reconnait en elle une élue des Esprits, une Peau-Mêlée abritant un esprit masculin et féminin dans le même corps. Elle est ainsi autorisée à joindre le groupe des garçons mais tout le monde dans la tribu ne croit pas à cette prophétie.

«  Moi j'ai la forme d'une fille qui coule dans une rivière de garçon. Les années qui passent m'ont fait creuser ce lit. »

Passée la scène inaugurale qui m'a hypnotisée, je me suis interrogée sur le côté hybride du texte qui ne se revendique ni roman historique ni ethnographique. Etant passionnée par la culture amérindienne, j'ai été troublée et gênée de ne pas savoir quels rites ou rituels décrits relevaient de la fiction, lesquels correspondaient aux traditions innues. Il m'a manquait une bibliographie à la fin, des sources. Je me suis également interrogée sur le potentiel anachronisme de la thématique du genre qui court durant tout le récit ... tellement présente aujourd'hui mais l'était-elle au XVIème dans la culture autochtone ?

Et puis, j'ai lâché prise, le plaisir de lecture a pris le pas sur un certain purisme car Guillaume Aubin déploie une écriture d'une grande force évocatrice à coups de phrases brèves faites de mots simples mais qui disent si bien le ressenti de Fille-Rousse. Que l'on soit dans la violence la plus crue ou dans la poésie de la nature, c'est tout le monde sensoriel de l'héroïne qui s'ouvre au lecteur, avec son rapport très charnel à tout ce qui l'entoure, faune, flore, hommes. Les phrases rythmées à fleur de peau de l'héroïne emportent totalement un lecteur quasi hypnotisé.

Et puis, j'ai écouté une interview en ligne de l'auteur qui en évoquant le thème central du genre explique comment il a découvert le concept de bispiritualité présent chez plusieurs peuples autochtones comme les Innus. La bispiritualité reconnait que certaines personnes peuvent à la fois abriter un esprit masculin et féminin dans le même corps. Ces personnes se voient attribuer un rôle cérémoniel et social proche de celui d'un chaman. Sachant cela, évidemment que s'éloignent suspicion d'anachronisme et crainte de récupération opportuniste.

Fille-Rousse est une héroïne passionnante que l'on voit grandir animée par un esprit de rébellion qui s'oppose aux normes du genre. Elle imagine ce que c'est d'être un homme, de vivre comme un homme, chasser, parcourir la taïga, nager, courir, le découvre, a l'impression qu'elle a gagné en allant dans la virilité puis s'en désenchante. Elle enflamme le récit, que ce soit dans des scènes animistes en symbiose avec la nature, de combats, de sexualité ou de vengeance, ne revendiquant rien d'autre que la liberté d'être et d'exister.

Un vrai défi d'écriture, j'aime lorsqu'on ne sait pas qui écrit ( homme, femme, blanc, amérindien etc ). Un récit original qui ne cède à aucune mode, ne cherche pas à imiter le style des auteurs amérindiens. Les thèmes servent le récit et non l'inverse, l'altérité radicale de Fille-Rousse permettant d'assoir une réflexion profonde sur l'articulation des libertés individuelles avec les principes de la vie collective.
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****

Née au milieu de la forêt, au pied d'un arbre, tirée du ventre de sa mère, Fille-Rousse est élevée par la tribu des Yeux-Rouges. Son histoire est entourée de mystère, sa vie est une légende... Homme dans un corps de femme, c'est une Peau-Mêlée. Mais elle va devoir lutter pour trouver sa place, pour la garder et la légitimer. Elle devra faire des choix, parfois difficiles, mais son envie de liberté la guidera tout au long du chemin...

Ce qui frappe dans le premier roman de Guillaume Aubin, c'est ce rapport au corps, cette lecture toute en sensation. Tout au long des pages, on perçoit le souffle du vent, la chaleur du feu, le froid de l'eau vive ou la grandeur des arbres de la forêt. On vit pleinement aux côtés de ces tribus semi-nomades des Premières Nations canadiennes.

C'est un langage particulier qu'a choisi l'auteur pour nous emmener sur les pas de cette jeune fille. C'est une héroïne à la fois impressionnante par son courage et sa force, touchante par sa grande solitude et imposante par sa volonté sans faille.

C'est un récit qui nous éclaire sur un monde de légendes, de croyances et où tout à son origine, son explication. C'est un environnement qui peut être aussi chaleureux que brutal. Y évoluer n'est pas chose facile, y trouver sa place encore moins.

Fille-Rousse restera longtemps dans ma mémoire. Elle sera l'image de l'affranchissement, la possibilité d'être soi dans toutes ces contradictions et ces dissonances. Elle sera le souvenir de la liberté gagnée...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2022..
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Nous suivons Fille-Rousse, jeune Amérindienne dont la naissance est nimbée de mystère et qui, malgré son corps de fille, aime jouer avec les garçons et souhaiterait vivre comme un homme quand elle sera adulte.

Elle fait partie de la tribu des Yeux-Rouges, peuple semi-nomade belliqueux en guerre contre les Longues-Tresses. Les deux peuples se battent pour le Qaa, plante hallucinogène, à la fois toxique et bénéfique, qui leur permet de communiquer avec les esprits. En contact constant avec la nature et la forêt, leur culture est animiste. L'eau, comme le poisson, comme la montagne, sont pour eux des esprits.

En grandissant, Fille-Rousse est considérée comme une Peau-Mêlée par le chamane. En elle, se côtoient le féminin et le masculin. Elle inspire tour à tour l'admiration et le rejet.

C'est un texte brut et violent, certaines scènes n'épargnent pas le lecteur, encore moins la lectrice. Mais heureusement, la plume est belle et nous fait sentir cette nature immense et vierge.

Je ne suis pas sûre que ce texte reflète une quelconque réalité historique, il s'agit d'une fiction et cela ne m'a pas dérangée. le décor tribal est bien planté : les rites, les guerres, la chasse, les sacrifices y sont décrits avec réalisme.

Je recommande l'arbre de colère pour ressentir la beauté des paysages et pour vibrer auprès de cette héroïne forte et combative. L'écriture est superbe et immersive.

Il s'agit là de la centième publication de la Contre-Allée qui, pour l'occasion, nous met entre les mains un très bel objet-livre à la qualité littéraire indéniable.

Je dis oui !
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Revenir à l'origine des maux de la terre. Là où le commerce devient domination
Là où les hommes venus d'ailleurs écrasent et génèrent de futurs génocides.
La souveraineté des peaux puise loin dans l'absurde, rejaillit sur les décennies qui coulent sages et attentives mais prête à l'attaque.
Nous sommes une résultante de tout ce qui se joue là. Latence et prémisse d'un appel sociétal qui écrase.
Un texte et une série de documentaires pour apprivoiser ce que l'on pense connaître.
De la fiction et pour l'accompagner une réalité brute et cinglante qui boit les larmes.

L'arbre de colère de Guillaume Aubin se mêle à la nature avec virtuosité, il crache la violence des corps. Il panse les silenciés de n'avoir pas été assez entendu. Un petit moins pour ce grand roman: parmi une poétique indéniable du texte, un choix de certains mots parfois étonnant (moderne/licencieux ?). Un premier roman qui donne le ton de langue et d'humanité.

Raoul peck (que je connaissais déjà avec I'm not your negro, très juste et engagé) traduit pour nous l'histoire avec cette série de documentaires : Exterminez toutes ces brutes (en ce moment sur Arte) qui s'emboite parfaitement avec cette lecture. Un complément. Il enjoint le souvenir à ne pas s'écarter pour plus d'exactitude. Abrupt, parfois insoutenable. Pas plus que la réalité. Les oeillères ne créent pas plus d'humanité.
Il serait judicieux que l'on apprenne à taire l'orgueil. La vérité d'une civilisation sourd les peuples et n'as pas valeur d'universalité. S'astreindre à la déconstruction des récits dominants.

« La connaissance est le pouvoir et l'histoire est le fruit du pouvoir. Celui qui gagne à la fin décide du récit. » Michel-Rolph Trouillot

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-022134/exterminez-toutes-ces-brutes/
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&#xNaN; voiceless 😶&#xNaN;
.
.
Parmi la vingtaine de livres sorties en ce premier mois de l'an 2022 que j'ai eu l'immense privilège de lire ,
sans aucun doute l'un de ceux qui restera,
dans le temps long,
dans le "fond",
Un véritable coup au/de coeur ❤
Chaque jour je ressentirai le besoin d'en parler, de le faire circuler.
Là, alors que je l'ai tout juste refermé, c'est le silence qui vibre en moi, reconnaissant et humble de la lectrice un peu trop boulimique comblée d'être remplie par un texte aussi beau, désireuse de le laisser infuser, un peu.
Après le silence viendra le bavardage incessant et le besoin d'en causer.

L'unanimité de la belle équipe de la librairie Terre des livres, ce n'est pas rien
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Un premier roman décoiffant, digne d un Boyden ou d un Harrison.
Une maîtrise, un style et une poignante histoire des natifs canadiens au XVeme siècle.
Je ne relaterai pas l histoire de ce livre, de nombreux babeliotes l ont très bien fait avant moi. Je resterai sur l émotion crue, la description poétique de la nature sauvage et de ses dangers. La culture des peuples avec leur croyance, leurs offrandes et leurs coutumes. séparés par la haine d une trahison.
Un roman magnifique qui inspire des émotions fortes comme son personnage principal, Fille-Rousse, une femme que l on peut définir moderne, trop en avance sur son temps.
J attends avec curiosité ce que nous proposera cet auteur talentueux
A lire absolument.
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Le corps, le qaa, la taïga. Roman des identités (sexuelles et ethniques) multiples, de la peau et des esprits, de la découverte de soi à l'épreuve des autres, L'arbre de la colère plonge le lecteur dans un Grand-Nord réinventer, dans une vie autochtone dont il excelle à peindre désirs et mystères. Pour son premier roman, Guillaume Aubin retrace l'itinéraire de son héroïne, parfois attendue au point de paraître anachronique, souvent délicieusement étrange par langue sensible et sonore.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Les prémisses de ce roman étaient prometteuses. Centième nouveauté publiée par les éditions Contre-Allée, les choses n'avaient pas été laissées au hasard. Un roman se passant dans les tribus du Grand Nord Canadien, basé sur une tradition méconnue, celle qui permet à un homme d'assumer le rôle social d'une femme ou à une femme d'assumer le rôle d'un homme. Réflexion sur le genre et l'identité sexuelle vue par le prisme d'une autre culture, tout cela était bien alléchant.
Et pourtant, je n'ai pas réussi à adhérer. La première scène est particulièrement violente, mais soit, on sait que ces populations n'étaient pas tendres, donc j'ai accepté l'idée. La seconde scène, elle, inclut un élément de fantastique, c'est étrange mais encore une fois, pourquoi pas. Si l'on considère que l'on essaie de voir les choses par les yeux des hommes et des femmes de ce lieu et de ce temps, certains événements peuvent rester inexpliqués ou paraître surnaturels.
L'enfance de cette petite fille est plutôt agréable à lire. Racontée à la première personne, on découvre le fonctionnement de la communauté en même temps qu'elle s'y fait sa place, on la voit faire des choix qui ne sont pas ceux que l'on aurait attendus d'elle. Puis vient l'adolescence, et on retombe dans les scènes crues. Pourquoi pas si c'est pour dépeindre la découverte de l'amour physique, mais là, cela tourne vite à une certaine complaisance, et tout dégénère.
De scène crue en scène crue j'ai eu l'impression que l'on s'éloignait du sujet. La distinction entre sexe biologique, rôle social et préférences sexuelles est une vraie question, un sujet de roman passionnant ; ce que coûte socialement la différence, le prix de l'acceptation, voilà un autre sujet passionnant. Et s'il y a quelques réflexions intéressantes sur le sujet, cela n'est que fugace, pour laisser la place à une histoire qui tient plus du fantasme personnel que du roman. le côté fantastique et atemporel du livre, qui me semblait une trouvaille intéressante pour donner plus de poids au propos finit par le discréditer, et c'est finalement un regard occidental et fantasmé qui nous est proposé plutôt qu'une vision autre ou nouvelle de cette question du genre.
J'ai fini ce livre avec une certaine répugnance et je suis finalement déçue car j'en attendais beaucoup plus. Dommage, l'objet livre est beau, avec sa couverture sobre au grain mat et rugueux, la maison d'édition a apporté beaucoup de soin à cette publication, mais le contenant ne peut à mes yeux racheter le contenu et cette rencontre a été pour moi une immense déception.

Merci aux éditions La Contre Allée de m'avoir permis de lire ce livre, dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio.
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Un roman d'aventures dans le nord canadien au 15 ème siècle. Deux groupes tribaux s'affrontent périodiquement avec une sauvagerie redoutable, les Yeux-Rouges et les Longues-Tresses. Ils revendiquent tous deux l'exclusivité du « Qaa », fruit magique, autant bénéfique que maléfique, selon l'usage qui en est fait.
Fille-Rousse, miraculeusement épargnée lors d'un massacre de Longues-Tresses par Les Yeux-Rouges est une « peau mêlée » (à la fois femme et homme dans un même corps) que nous allons suivre dans ses pérégrinations romanesques.
Les deux tribus semi-nomades cheminent dans des embarcations légères sur la partie haute du bassin versant, à la recherche de vivres et de Qaa.
L'histoire qui nous est racontée, via la quête de liberté de Fille-Rousse ne semble pas se rattacher à une quelconque réalité ethnographique de ces peuples et cela en diminue l'attention qu'on pourrait apporter à sa lecture.
La rencontre avec les « Barbes », aventuriers européens naviguant à bord de grandes chaloupe à voiles mouillant à l'embouchure du fleuve offre à notre héroïne l'occasion de se révéler, mais l'ensemble est décevant.
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un premier roman très réussi qui m'a amené découvrir d'une manière différente une partie de ces tribus amérindiennes du Canada .
L'auteur nous offre les visions de ce monde à travers Fille-Rousse, une « two spirits » ( personne transgenre). La rudesse de l'apprentissage, la découverte des sentiments, sa propre quête de soi. Qui elle est à ses yeux, aux yeux de sa tribu, aux yeux « des barbes » ( les blancs venus par la mer).
C'était à la fois un enrichissement et un déchirement car se dessine l'avenir que l'on connaît de ces tribus premières. Mais je retiens la force de caractère de Fille-Rousse qui trace son chemin de vie la tête haute et trouve finalement sa place au seing de sa tribu d'origine.
Une belle lecture.

Merci à masse critique Babelio et aux éditions la contre-allée pour cette découverte.
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