Assises

Il n'est pas de mur assez haut pour les souvenirs.

Pour elle, tout était finalement assez mathématique. C’est oublier que la justice n’est pas affaire de science mais d’hommes et qu’elle repose sur le fameux principe d’individualisation des peines, qui permet au juge d’adapter la sanction d’un condamné afin de tenir compte de sa personnalité ou des circonstances de l’infraction.

En effet, elle avait vite compris qu'en devançant les besoins des autres, en s'attelant à les combler, elle pouvait tout obtenir. Offrez de la réussite scolaire, et vous aurez le respect de vos parents.
Offrez de la franche camaraderie, et vous aurez des amis. Offrez de l'écoute, de l'admiration, du sexe, et vous aurez un homme. C'était devenu son mantra: contenter les autres pour se réaliser.

« Pardon d'avoir été lâche, de vous avoir laissée tomber dans le même piège. Vous êtes ici sans doute en partie à cause de moi, de mon silence et de mon inaction, tandis que grâce à vous j'ai enfin retrouvé le sommeil, car je sais maintenant qu'il ne pourra plus jamais blesser personne. »
Le bruit de la souffrance de ces femmes fracassa la salle d'audience.

" Monsieur, savez-vous ce qu’est une femme ? Une créature magnifique et supérieure vers laquelle nous sommes tentés de nous approcher. En particulier lorsque cette dernière porte une robe que nous rêvons d’arracher pour découvrir les trésors qu’elle cache. Pour autant, monsieur, le droit, qui a vocation à protéger la société, a créé une notion qui s’appelle le consentement. Vous allez me répondre : qui ne dit mot consent, non ? Et vous auriez tort, monsieur Boulanger, car le silence ne vaut acceptation. Avant de toucher une femme, de la caresser, on lui demande la permission. "

« Mon cher César,
Sans passé ni avenir, quelle histoire à bâtir ? Les cartes ont déjà été distribuées. Par d’autres la partie a été remportée. Dévorée par la proximité déconcertante d’un autre dont on ignore tout.
Mon intime étranger, je désire donc je fuis. Idéalistes de croire que nous pourrions vivre de présent et d’eau fraîche. Sur le bûcher de l’utopie, laissons disparaître un rêve que nous avons caressé mais qui n’appartient qu’aux autres : nous. »

Mais qu’est-ce que la normalité, si ce n’est suivre un chemin sans détour ? Une route dont la rectitude apporte la sécurité à celui qui l’emprunte, lui octroyant le droit de juger ceux qui se perdent. Fragilité de tous ces édifices que l’on construit, derrière lesquels on se pense à l’abri.

Pourquoi ne pas y accueillir du public, des élèves et a minima des aspirants à la magistrature pour montrer la réalité des conditions carcérales et leur permettre de comprendre l’enfermement, la promiscuité imposée, l’intimité balayée, le manque de dignité ? Dans ce lieu où règne désormais le silence, les murs portent la voix des prisonniers. Les trous dans la pierre, les dessins à la craie, les objets abandonnés, les courants d’air d’une vieille bâtisse, tout prête à réfléchir. Pour un chien de plus de vingt kilos, la taille de la cage dans un refuge doit être au minimum de cinq mètres carrés. Ajoutez six mètres carrés, et la cellule abritera deux personnes. Après tout, il paraît que l’homme est un animal comme les autres. Pas étonnant que les statistiques de la réinsertion soient en corrélation avec la dimension de la cage.