PREMIER MOUVEMENT La dévoration
LA BASCULE
II
Dieu soit loué il m’est donné d’aimer encore
de vivre à perte contre le temps
de sentir le rêve et le feu rivaliser, à qui saura
ruer plus fort, entraîner l’autre plus avant ― l’espoir
n’est plus un vain secours, et son objet
approche ― j’entends ses pas, mes battements
j’attends que l’amour qui assaille
proclame son avènement.
p.9/10
PREMIER MOUVEMENT La dévoration
UNE RÉVOLTE, JE CROYAIS
Une folie les yeux ouverts
avant que l’ordre ne s’abatte
― mais l’ordre est là, depuis des mois
ses broches plantées dans nos membres
pour nous apprendre la marche droite
― des mois déjà, et le nous ne se dissout pas.
p.28
PREMIER MOUVEMENT La dévoration
DÉSORIGINE
Enfant, une sensation
une cicatrice inexpliquée
que les autres n’ont pas
― un peu douleur, un peu fierté
En grandissant, la conscience se précise
et avec elle le déchirement ― un camaïeu
si lent que si tu te rappelles son avancée
tu ne peux pas situer son commencement
― l’écartèlement
voilà
les bouts sont dispersés
enfouis, ou emportés
― ils l’ont été depuis la première heure
il te fallait la certitude
que rien ne se résout plus tard
pour que la conscience terrasse
p.17
La danse
Les mauvais jours, tu penses: tout est écrit, déjà
dans tes liens aux racines - celles des terres lointaines
- des pièces d'un puzzle qui ne peuvent s'emboiter
mais ce n'est pas aussi figé, non ? ni aussi simple
ni aussi plat
- une danse, plutôt
oui, voilà: avec tes racines, tu danses
Vous vous toisez, vous tournez, en gestes lents
parfois tu fuis, et tu crois les avoir semées
- semées...
quand elles réapparaissent, juste devant
- et le mouvement reprend U
ne danse épuisante, suffisamment
sans la charge d'un public indiscret
des inconnus, ou non, qui en passant s'écrient :
"mais pas comme ça ", "tu devrais bien savoir, pourtant !"
- les importuns, voilà la poisse
qui s'immiscent, se massent et donnent le tempo
- le tempo ! mais il n'y en a pas
lorsque nous dansons avec nos racines
nous composons, perpétuellement.
N’ÊTRE
Rien d’autre que composite, agglomérat
– de langues approchées, apprivoisées
puis le temps passe, et rien, elles sommeillent
et leurs liens avec elles
mais tout sommeille – les terres, des aïeux
ou sans, peu importe, vraiment
– tous des membres fantômes
souffrances scintillantes
qui se réveillent par intermittence.
Retour aux sources, mais lesquelles ?
non pas d'enfance, inscrites en soi
et malgré soi, pièces fonctionnelles
de notre mécanique - non, sources
- des liens , du choix
ou du hasard scellé
sources nouvelles qui résonnent
- de l'étrangère qui se sait telle
un pied dehors et un pied dans la confidence.
(extrait du poème "Sources particulières")
PREMIER MOUVEMENT La dévoration
SUPPLIQUE DE NUIT NOIRE
Extirper le nœud du diaphragme, l’écrabouiller
être enfin épuisée, une saine fatigue ―
savoir l’horizon libre le lendemain
ne plus avoir à éloigner son spectre
en rongeant vainement une rêverie dix fois rongée
ne plus être nerfs arrachés, fils électriques à nu
qui remuent et menacent, ne plus
― si simplement, ― ne plus.
p.19
PREMIER MOUVEMENT La dévoration
LA BASCULE
I
Pas tout à fait un cœur
ou parce qu’un cœur un corps à prendre ―
le prochain amour se prépare
se prépare comme un tremblement
et comme un tremblement de terre
il viendra il sera trop tard.
p.9