PREMIER MOUVEMENT La dévoration
LA BASCULE
II
Dieu soit loué il m’est donné d’aimer encore
de vivre à perte contre le temps
de sentir le rêve et le feu rivaliser, à qui saura
ruer plus fort, entraîner l’autre plus avant ― l’espoir
n’est plus un vain secours, et son objet
approche ― j’entends ses pas, mes battements
j’attends que l’amour qui assaille
proclame son avènement.
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La danse
Les mauvais jours, tu penses: tout est écrit, déjà
dans tes liens aux racines - celles des terres lointaines
- des pièces d'un puzzle qui ne peuvent s'emboiter
mais ce n'est pas aussi figé, non ? ni aussi simple
ni aussi plat
- une danse, plutôt
oui, voilà: avec tes racines, tu danses
Vous vous toisez, vous tournez, en gestes lents
parfois tu fuis, et tu crois les avoir semées
- semées...
quand elles réapparaissent, juste devant
- et le mouvement reprend U
ne danse épuisante, suffisamment
sans la charge d'un public indiscret
des inconnus, ou non, qui en passant s'écrient :
"mais pas comme ça ", "tu devrais bien savoir, pourtant !"
- les importuns, voilà la poisse
qui s'immiscent, se massent et donnent le tempo
- le tempo ! mais il n'y en a pas
lorsque nous dansons avec nos racines
nous composons, perpétuellement.
PREMIER MOUVEMENT La dévoration
DÉSORIGINE
Enfant, une sensation
une cicatrice inexpliquée
que les autres n’ont pas
― un peu douleur, un peu fierté
En grandissant, la conscience se précise
et avec elle le déchirement ― un camaïeu
si lent que si tu te rappelles son avancée
tu ne peux pas situer son commencement
― l’écartèlement
voilà
les bouts sont dispersés
enfouis, ou emportés
― ils l’ont été depuis la première heure
il te fallait la certitude
que rien ne se résout plus tard
pour que la conscience terrasse
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Retour aux sources, mais lesquelles ?
non pas d'enfance, inscrites en soi
et malgré soi, pièces fonctionnelles
de notre mécanique - non, sources
- des liens , du choix
ou du hasard scellé
sources nouvelles qui résonnent
- de l'étrangère qui se sait telle
un pied dehors et un pied dans la confidence.
(extrait du poème "Sources particulières")
N’ÊTRE
Rien d’autre que composite, agglomérat
– de langues approchées, apprivoisées
puis le temps passe, et rien, elles sommeillent
et leurs liens avec elles
mais tout sommeille – les terres, des aïeux
ou sans, peu importe, vraiment
– tous des membres fantômes
souffrances scintillantes
qui se réveillent par intermittence.
Avec Anna Ayanoglou, Joanna Dunis & Sofia Karampali Farhat
Dialogue animé par Marie-Madeleine Rigopoulos
Trois poétesses d'aujourd'hui partagent un lien à la francophonie et à la grécité, ainsi qu'un solide ancrage dans l'altérité, qui se manifestent dans leurs vécus intimes et leurs écrits littéraires. Dans le cadre d'un renouveau de la poésie contemporaine irrigué par les femmes, leurs poésies résonnent de manière chorale, dressant un champ littéraire riche de ses variations. Cette discussion et cette lecture croisée à trois voix se propose d'étendre et d'entendre un territoire poétique féminin, entre francophonies et grécités singulières.
Soirée proposée par le Centre Culturel Hellénique.
« Face à la mer, une Reine un jour m'a dit :
Pourquoi la Grèce ?
J'ai répondu parce que le Tout, les images, et le ciel
Et toi,
Que deviens-tu ? »
Joanna Dunis, Topologies – Contes d'Athènes.
À lire
– Anna Ayanoglou, Sensations du combat, Gallimard 2022 ; Appartenir, Castor Astral, 2024
– Joanna Dunis, Topologies, Contes d'Athènes, Castor Astral, 2023
– Sofia Karampali Farhat, Zaatar, éd. Bruno Doucey, 2023. Lauréate Prix Ganzo espoir 2024
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