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Critique de pleasantf


Le simple fait de commenter sur 150 pages une seule oeuvre d'art, en l'occurrence le tableau le Verrou peint par Fragonard vers 1778, et d'y consacrer tout un livre mérite à lui seul un grand coup de chapeau et suscite ma plus grande admiration. Il est toujours étonnant de voir à quel point l'art a le pouvoir de déclencher une abondante production littéraire.

De fait, ce livre n'échappe pas à certains travers liés à l'excès de commentaires. Ceux -ci ne sont pas toujours d'une clarté éblouissante et sonnent parfois un peu creux. D'autant que le livre de Lucien d'Azay, constitué d'une suite de courts chapitres qui abordent le Verrou de Fragonard sous différents angles, est un patchwork assumé qui rassemble d'innombrables citations et emprunts à divers textes antérieures comme ceux de Sollers ou de Daniel Arasse. Ces références omniprésentes collées les unes aux autres et forcément limitées en longueur sont à mon avis un obstacle à la pleine compréhension des propos de l'auteur. Par sa construction en patchwork, ce texte relève moins de la critique d'art que de l'oeuvre littéraire, biais d'ailleurs tout à fait assumé par Lucien d'Azay. Ainsi les références faites à d'autres peintres du XVIIème (Boucher, Watteau, Greuze) sont le plus souvent assez elliptiques.

Ces réserves étant émises, ce livre s'avère néanmoins fort intéressant, aidé en cela par son sujet à savoir un tableau sur lequel il y a beaucoup à dire. Ce sont d'abord les aspects plutôt techniques comme la construction selon axe lumineux oblique comme si un projecteur éclairait la scène , l'utilisation du clair-obscur, le travail sur les couleurs, les effets de contraste, le rendu du mouvement. Lucien d'Azay attire également notre attention sur les détails de la composition qui ne sont évidemment pas fortuits : le bouquet de fleurs au sol au tout premier plan à droite, une rose à peine visible sur le lit à la frontière entre étoffe rouge, drap blanc et robe jaune, le fauteuil renversé, la pomme… Il s'attarde un long moment sur le lit, quasi anthropomorphique (cuisses, genoux, seins, sexe), qui occupe de façon étonnante plus de la moitié de l'espace. Il analyse les deux personnages, leurs positions et postures respectives et imagine leur origine sociale, leur caractère, le jeu social auquel ils sont soumis Enfin il aborde longuement la signification de ce tableau allégorique en le replaçant dans le contexte du libertinage vivant ces dernières années avant le séisme révolutionnaire.

A cet égard, je trouve qu'il est intéressant de relier ce tableau aux manifestations récentes de libération de la parole des femmes face au harcèlement sexuel. le Verrou est le témoin d'une époque où à l'homme appartient l'audace alors que la résistance de la femme face aux assauts masculins est vue comme une hypocrisie nécessaire. Il convient pour la femme de respecter les règles de bienséance et de ne pas accepter d'être conquise sans combattre, pour ne pas s'exposer à la honte et au déshonneur. Il est de bon ton pour la femme aristocratique du XVIIème siècle de faire croire à la persécution avant de s'abandonner au plaisir et à la volupté. Ceci reflète les paradoxes et les contradictions de cette époque qui associe libertinage et vertu, à ceci près que cette dernière est le plus souvent une apparence fictive à laquelle hommes et femmes ne croient pas vraiment.
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