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Critique de jamiK


Derf Backderf, dans ses précédentes bandes dessinées, m'avait habitué à plus de dérision, ici, son cynisme se déploie sans trace d'humour, mais il n'en est pas moins subtil pour autant.
Il nous raconte les évènements de 1970 à Ken State où des manifestations étudiantes ont été réprimées dans la violence. C'était l'époque des hippies, la mode du maoïsme et surtout le refus d'aller faire la guerre au Viet-Nam et au Cambodge. Derf Backderf retrace ces évènements avec minutie, chaque détail compte, c'est un récit journalistique, un reportage pointilleux et accablant pour les autorités d'alors. Richard Nixon, président des États-Unis à cette époque, et Jim Rhodes, gouverneur de l'Ohio, n'ont rien à envier à Donald Trump.
Le graphisme de Derf Backderf est en noir et blanc, sans nuances, avec un trait net, les personnages sont déguingandés, des allures un peu gauche. Tous ces personnages ne se comprennent pas, entre les gens installés dans la vie, obnubilés par la sécurité ou la force de l'Amérique dans le monde, et les jeunes étudiants aux aspirations plus humanistes, la paix dans le monde, la non violence, et les forces de l'ordre confondant l'ordre et la guerre… L'université est montrée dans son époque, avec ses syndicats étudiants militants, le problème du coût des études, les vies faites de rencontres, d'ouverture à la culture rock… Derf Backderf nous immerge avec talent dans cette époque et prend le recul nécessaire. Cette lecture est non seulement édifiante, mais prend une dimension particulière en étant écrite sous l'ère Trump. Elle éclaire non seulement sur l'histoire des USA, mais aussi sur certaines notions et faits, comme les violences policières, qui les cautionne, qui en sont les acteurs...
Je n'avais jamais vraiment entendu parler de ces évènements. Lors des faits, j'étais encore bien trop jeune pour comprendre et dans le futur, ils auront été largement occultés par mai 68 qui n'avait pas tout à fait les mêmes aspirations : là-bas, le refus de la conscription pour aller combattre en Indochine est au coeur du conflit.
C'est une bande dessinée plus militante encore que les précédentes, qui parle d'enjeux politiques, de répression, de militarisation de la société, d'hypocrisie politique, le sujet est malheureusement plus universel que ce que nous raconte la bande dessinée.
C'est une lecture qui m'a marqué. Dans ces oeuvres antérieures j'avais adoré le ton ironique, ses descriptions sans concession de la société américaine, il utilisait alors des thèmes plus anecdotiques et cela prêtait plus à rire, mais sur un sujet plus grave, son regard est toujours aussi percutant et cinglant.
Malgré une modeste production, je considère Derf Backderf comme un acteur majeur de la bande dessinée underground américaine, ce n'est que mon avis, mais je doute d'être le seul à le penser.
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