Citations sur Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce (17)
Et puis c'est si beau, un livre.
Un livre qu'on tient dans la main.
Qu'on ouvre et qu'on ferme, qu'on corne ou qu'on rature, qu'on range, qu'on salit, qu'on lit parfois, qu'on prête, qu'on égare - "Où est passé mon livre ?" ...
J'y retourne parce qu'il faut bien faire quelque chose entre sa naissance et sa mort, sinon c'est long la vie.
Il y a des gens qui ont toujours cette sensation que ça n'a pas encore commencé, qu'ils sont en préparation. Leur vie est à venir... " là je finis mes études, c'est dur, ça ne me passionne pas, mais bientôt je vivrai ma vie, j'aurai un bon métier... Là j'ai un métier qui ne me plaît pas vraiment, mais bientôt ça sera fini, je serai à la retraite, ce sera bien. Là je suis à la retraite, je me fais chier, je ne travaille plus, mais j'ai repéré un cimetière qui a l'air génial..." Quand est-ce qu'on peut dire "je suis dans ma vie" ?
Quand on est enfant on le sait, on sait bien qu’on ne mène pas notre vie. On ne décide pas, on mène la vie choisie par nos parents, alors quand ça grince un peu, qu’on n’est pas trop d’accord... on tient quand même, on se dit « Un jour, je vais avoir 18 ans et là je peux te dire... je vais commencer ma vie ! ».
Et puis on a 18 ans, c’est un peu austère, on est étudiant, on n’a pas beaucoup de sous mais on tient parce qu’on se dit que grâce à ces sacrifices on va avoir un bon métier et là on va commencer notre vie...
Et puis on a un métier, parfois c’est un peu monotone mais on tient parce qu’on a les week-ends, les vacances et on se dit « Un jour je serai toujours en vacances, je serai à la retraite et là je vais commencer ma vie... »
Et puis on est à la retraite, on se fait un petit peu chier, mais on se dit « C’est pas grave parce que j’ai repéré une jolie petite place de cimetière et là... »
Les mots, ils ne sont pas toujours menteurs ou manipulateurs... il y a des mots qui nous tiennent à bout de bras, qui nous font voir la vie en beau...
J'y retourne. Là je suis prêt. J'y retourne parce que c'est trop tard... Parce que ça ne sert plus à rien, parce que plus personne ne m'attend. J'y retourne sans espoir de bravo ou peur de crachats, de haie d'honneur ou de garde à vue. J'y retourne parce qu'il faut bien faire quelque chose entre sa naissance et sa mort, sinon c'est long la vie. J'y retourne comme un petit clin d'œil à moi-même, comme un défi perdu d'avance, le plaisir du geste inutile. J'y retourne...
Moi, un jour je suis rentré chez moi, et deux ans après, je me suis aperçu que ce n’était pas chez moi.
On ne peut pas pousser un caddie à 13 heures et être Malraux à 20 h 30.
Le théâtre c'est le seul endroit au monde où s'il y a un morceau de plastique bleu qui ondule sur scène, on est tous d'accord pour s'exclamer : "Oh ! La mer...!"
Y en a marre de cette société outrageusement individualiste. Ce que j'aime, c'est ça, la fraternité, la chaleur humaine, être un maillon de la chaîne.