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Critique de fuji


Cet opus est découpé en trois zones.
Zone est le premier poème écrit par Apollinaire dans Alcools. Ce poème est la quintessence de son auteur, sans ponctuation ni métrique donc sans entraves, ces vers libres chantent la mélancolie de celui qui écrit pour exister. Les vers sont irréguliers ainsi que la strophe mais les images ainsi véhiculées sont abondantes, disparates entre monde ancien(mythologie) et monde moderne. le rythme est celui de l'imagination qui vagabonde comme l'eau coule dans une rivière et parfois en déborde.
Zone 1 :
Regard en retrait de ce qui arrive lorsque 3 trentenaires Picasso, Guillaume Apollinaire et Géry Pieret se mettent en tête de voler la Joconde. L'instigateur Picasso, fait faux bond aux deux autres pour cause de conquête amoureuse, mais nos deux lascars iront.
Le musée de nuit, l'errance qui s'en suit, la sortie victorieuse avec le trophée.
Regard affectueux, Franck Balandier s'amuse de cette situation avec toute la tendresse qu'il a pour son Apo. Tel un père qui raconterait les frasques de son fiston.
Puis c'est la prison « Il pose. Cette ardoise entre les doigts. Il aime bien l'identification, le numéro. Il réalise que, peut-être, cette image restera la seule, au plus profond de cette petite mort. Il faut sourire. Faire semblant. Il se demande à qui il devrait mourir, maintenant. Il se trompe de mot. Il a voulu dire sourire. La mort ne serait-elle qu'une affaire de sourire ? »
Incarcéré le jeudi 7 septembre 1911 à la maison de correction de Paris la Santé, il en sortit le mardi 12 septembre 1911, faute de preuves tangibles retenues contre lui.
Regard coloré voire bigarré pour nous faire vivre l'époque à travers les personnages : le gardien de musée aussi à l'étroit dans sa vie que dans sa cabine de fonction, la concierge qui voit la vie et les autres par le prisme de sa vie uniquement la sienne, les enquêteurs qui eux ont d'autres distractions que cette enquête. Pour le juge chargé de l'affaire un certain Joseph-Marie Dray, l'auteur a eu raison de changer son patronyme, car son portrait page 44 est un exemple pour illustrer la liberté du romancier face à la réalité, et combien l'imaginaire peut être ardent.
Dans cette zone souffle le comique d'un Chaplin, du grand art qui va du registre de la tendresse à celui de la bouffonnerie comme un fil tendu au-dessus de la réalité.
Zone 2 :
La mort. « Il n'avait pas si peur de mourir, Wilhem, il craignait seulement une mort trop ordinaire pour lui, trop triviale pour correspondre à l'idée qu'il se faisait de ses funérailles. Lui, qui avait mis tant d'années et consenti tant d'efforts pour devenir un « garçon bien », un « bon Français », pour effacer l'image du Russe émigré qui lui collait à la peau, pour obtenir enfin ses papiers, en bonne et due forme, Wilhem Kostrowitsky, dit Guillaume Apollinaire, homme de lettres, de nationalité française acquise par naturalisation, ce n'était déjà pas si mal, allait mourir français, emporté par la grippe espagnole. »
Apo s'éteint, Paris est fébrile, la guerre se termine, les rues bruissent des flots de Bretons qui arrivent pour s'installer dans la capitale.
Franck Balandier nous peint cela, en tableaux colorés et sensuels à la manière de Renoir.
Zone 3 :
L'auteur sait de quoi il parle « Les murs quand ils sont suffisamment hauts, sont des pansements. Ils cachent. Il en va ainsi des hôpitaux, des prisons et des cimetières. »
Là l'imaginaire l'emporte, le poète se réveille, telle une amazone chevauchant sa monture, sous les traits d'Elise, la cellule d'Apo est visitée une dernière fois, avant la démolition de la Santé, un poème reste écrit sur le mur… ?
Les poètes meurent mais leurs poèmes vivent, pour nous faire exsuder les bons et moins bons souvenirs. Ainsi voguent les réminiscences sur lesquelles se construisent les adultes que nous sommes, consentants ou pas.
Une lecture comme je les aime, d'un opus inspiré, porté par une écriture poétique et des flamboyances stylistiques que n'aurait pas renié Apollinaire lui-même.
Un poète qui est depuis longtemps le compagnon de route de l'auteur.
Franck Balandier commence sa partition en soliste virtuose et entraîne dans le sillage de ses mots tout l'orchestre des lecteurs.
Chantal Lafon-Litteratum Amor 15 aout 2018.
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