AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Franz


Franz
09 décembre 2020
Crash, boum, hue !
Se plonger aujourd'hui dans « Crash » (1973) de James Graham Ballard (1930-2009) des années après le rush branché survenu à la sortie du film de Cronenberg (1996) permet de mesurer avec recul la richesse et la pertinence de la vision de l'auteur. Quand les sensations supplantent les sentiments, que reste-t-il à l'homme pour réaliser sa vie sinon une course-poursuite morbide, une accélération à la surface des choses toujours plus vaine et stérile ? Jouir, oui, encore et toujours, davantage mais de quoi, pourquoi et comment ? le narrateur porte le patronyme de l'auteur, James Ballard. Sa fascination pour Vaughan, homme hanté par la technologie et la violence, le pousse toujours plus loin vers « l'érotisme pervers de l'accident, douloureux comme l'extraction d'un organe à travers une incision chirurgicale ». Vaughan meurt dans un crash d'entrée de jeu et Ballard se remémore sa rencontre avec Vaughan, son propre accident, ses perversions sexuelles. L'histoire s'écoule telle une pâte fluide, sans bouchon ni caillot. Les phrases sont comme une logorrhée émolliente ; elles disent l'horreur et le carnage sans hausser le ton, le tout allant de soi. Ballard se voit toujours de l'extérieur. Sa souffrance ou sa jouissance ne semble pas lui appartenir réellement. Il est son propre cobaye. Il s'observe sans aucune complaisance, avec un regard clinique. Son intimité est mise à nu, exposée sans fard, disséquée au scalpel : « L'accident était la seule expérience réelle que j'eusse connue depuis des années. Je me trouvais pour la première fois confronté à mon propre corps, inépuisable encyclopédie de douleurs et de déjections… ». le lecteur se fait voyeur malgré lui, à travers le regard du narrateur. L'accident automobile, son cortège de mort et de mutilation, exerce une fascination malsaine. On est enfermé dans un environnement technologique, artificiel, ritualisé et clos sur lui-même où les états d'âme n'existent pas. « Crash » débute la trilogie de béton qui se poursuit avec « L'île de béton » et « I.G.H. ». Les éditions Gallimard ont publié un emboîtage cartonné qui comprend le film de Cronenberg, une brochure de présentation ainsi que le roman de Ballard, le tout dans la collection Folio cinéma. Lire le roman et visionner le film en même temps permet de mesurer les écarts, les pertes, les ratés ou les enrichissements de part et d'autre. le film apparaît alors outré, à côté de la plaque (en métal chromé). Les scènes de sexe et de fantasme sont vides, déconnectées, laissant les acteurs et le spectateur tout pantois d'indifférence. La musique et la photographie pourtant travaillées et adaptées au climat du roman ne prennent pas et n'insufflent rien au film. Quelle « mouche » a bien pu piquer Cronenberg pour transformer une oeuvre intelligente et sophistiquée en un plat de nouilles à l'eau ? Dommage ! L'écrit peut s'avérer bien plus fort que l'image : la preuve par quatre ici.
Commenter  J’apprécie          71



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}