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Critique de Ingannmic


Si le titre de ce recueil peut surprendre -Balzac se serait frotté au polar ?!-, tout doute s'évapore d'emblée à la lecture de son premier texte : la manière d'introduire les personnages, d'énoncer certaines de leurs caractéristiques propres à faire naître chez le lecteur des images précises et concrètes, les descriptions détaillées de leur environnement, de leurs interactions, confirment que nous sommes bien en présence de la plume balzacienne.
"L'auberge rouge" propose une intrigue à plusieurs niveaux : un drame du passé rapporté par le narrateur dans un premier récit y est suivi de la relation d'un autre drame qui en résulte quelques années plus tard.
Le premier est évoqué à l'occasion d'un repas par Hermann, un "bon, gros et cordial" allemand qui au moment des guerres napoléoniennes, fut incarcéré par les français à la prison d'Andernach. C'est là qu'il rencontra Prosper Magnan, jeune étudiant en médecine originaire de Beauvais, envoyé sur le front avec un de ses camarades. A l'occasion d'une étape nocturne à l'auberge de la bourgade, les deux jeunes gens partagèrent leur chambre avec un négociant transportant une petite fortune, qui fut assassiné dans la nuit. Prosper Magnan, innocent mais se défendant mal, fut jugé coupable et exécuté.
Cette triste histoire est pour le narrateur à l'origine d'une tragédie née d'un insoluble dilemme, puisqu'il tombe amoureux de la fille du véritable coupable -dont le lecteur connait d'emblée l'identité-. Déchiré entre amour et conscience, il se refuse à un mariage qui le ferait profiter d'une fortune qu'il sait tâchée de sang et d'infamie…
La crise de conscience de son héros est l'occasion pour Balzac de questionner avec un humour cynique sur la pertinence de ce sentiment de probité qui le culpabilise et l'empêche de s'accomplir, mais ne le torture pas suffisamment pour agir dans le sens d'une véritable réparation de l'injustice que le hasard a malheureusement porté à sa connaissance.
"La vendetta", tragédie à la Roméo et Juliette version corse, débute lorsque Bartholoméo di Piombo, originaire du même village que Napoléon, vient chercher refuge à Paris auprès du Consul après avoir tué tous les membres d'une famille rivale. Il est accompagné de sa femme et de leur fille Ginevra.
Quinze ans plus tard, Bartoloméo, farouche défenseur de Bonaparte (exilé depuis un an à l'ile d'Elbe), est dorénavant le riche baron di Piombo, et Ginevra est devenue une belle jeune fille altière et rebelle, que jalousent ses camarades de l'atelier de dessin où elle démontre l'un de ses multiples talents. C'est là qu'elle fait la connaissance d'un jeune homme que dissimule le maître des lieux, un proscrit partisan de l'Empire poursuivi par le nouveau gouvernement monarchiste.
Une rencontre à l'origine d'un amour interdit, et d'une intrigue que l'excessive intransigeance paternelle fait basculer dans le mélodrame, sur fond de haine et de trahison, de mort et de misère…
J'enchaîne sur le dernier texte du recueil (je reviendrai en fin de billet sur le troisième), "Une ténébreuse affaire" -en réalité un roman à part entière-, parce que l'Histoire de cette première partie du XIXème siècle y joue aussi un rôle primordial. Il est d'ailleurs inspiré d'un véritable fait divers historique.

C'est aussi un récit romanesque à souhait, pimenté d'épisodes rocambolesques et énigmatiques, qui se lit comme roman policier, où il est question d'espionnage et de complot politique…
Les héros -dans les deux sens du terme- du roman sont des aristocrates aux convictions royalistes. Ils ont perdu une partie de leur fortune et de leur prestige au moment de la Terreur, souvent au profit d'opportunistes enrichis grâce à de douteux arrangements. Laurence de Cinq-Cygne est le symbole de cette aristocratie bafouée mais toujours fière et combative. Elle est belle, courageuse et rebelle, et ne pense qu'au renversement de Bonaparte, à qui elle doit l'exil de ses cousins de Hauteserre et des Simeuse, frères jumeaux dont elle est amoureuse. Lorsqu'ils parviennent à rentrer clandestinement en France, elle les met à l'abri, en attendant qu'ils bénéficient de la clémence de Napoléon. Mais ils sont bientôt l'objet d'une machination vengeresse, accusés à tort d'avoir ourdi l'enlèvement d'un sénateur averti d'un complot ourdi par Fouché contre l'Empereur.
On se laisse porter sans peine par l'intrigue à rebondissements, malgré un contexte politique dont les subtilités nous échappent parfois.

Je termine donc avec le troisième texte du recueil, "La grande Bretèche", qui en est aussi le plus court, et peut-être mon préféré.
Sur les bords du Loir, à une centaine de pas de Vendôme, une maison à l'abandon, à l'étrange beauté malgré son état de grande déréliction, suscite la curiosité du narrateur. Il apprend qu'elle était la demeure de feue la comtesse de Merret, dont le testament ordonne de la laisser en l'état pendant les cinquante ans suivant sa mort.
Il découvrira la raison de cette curieuse volonté à force de questionner Rosalie, l'ancienne servante de la comtesse, et une histoire cruelle, délicieusement horrifique pour le lecteur, inspirée d'une idée de vengeance machiavélique.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil très vivant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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