Le Colonel Chabert est un personnage familier de notre paysage littéraire. Chacun pense avoir croisé le vieux soldat de l'Empire rentré à la Restauration. Mais a-t-on lu le roman?
Laissé pour mort à la bataille d'Eylau en 1807, Hyacinthe Chabert rentre à Paris dix ans plus tard. Sa femme, veuve, remariée avec le comte Ferraud fidèle aux intérêts de
Louis XVIII, ne le reconnaît pas ou plutôt ne veut pas le reconnaître. C'est donc en pauvre vagabond que cet ancien soldat de l'Empire, colonel et homme riche revient et s'adresse à l'étude de l'avoué Derville pour retrouver son identité, sa femme et ses biens.
"Madame Ferraud n'aimait pas seulement son amant dans le jeune homme , elle avait été séduite aussi par l'idée d'entrer dans cette société dédaigneuse qui malgré son abaissement dominait la cour impériale. toute ces vanités étaient flattées autant que ses passions dans ce mariage. Elle allait devenir une femme comme il faut."
La position sociale de Madame Ferraud n'est pas aussi solide qu'il y paraîtrait. le comte Ferraud est ambitieux.
"mais si son mariage était cassé, ne pourrait-il pas passer sur sa tête, à la grande satisfaction du Roi, la pairie d'un des vieux sénateurs qui n'ont que des filles?"
Derville, pense pouvoir exploiter cette faille pour faire céder la femme de Chabert et transiger.
Ce court roman est particulièrement dense : on peut considérer l'aspect sentimental et psychologique, comme l'analyse de la société à l'époque de la Restauration.
C'est aussi un roman très divertissant : j'ai adoré la scène d'ouverture dans l'étude de l'avoué avec les railleries des saute-ruisseaux, l'arrivée de Chabert. Quel style! et quelle observateur !
Le roman se termine sur une triste méditation sur la destinées humaine de Derville, personnage sympathique et humain qui n'a pas réussi à éviter les malheurs de Chabert.
"Savez-vous, mon cher, reprit Derville après une pause, qui'l existe dans notre société trois hommes, le Prêtre, le Médecin et l'Homme de justice qui ne peuvent pas estimer le monde? Ils ont des robes noires, peut-être parce qu'ils portent le deuil de toutes les vertus, de toutes les illusions. le plus malheureux des trois est l'avoué. Quand l'homme vient trouver le prêtre, il arrive poussé par le repentir, par le remords, par des croyances qui le rendent intéressant, qui le grandissent et consolent l'âme du médiateur, dont la tâche ne va pas ans une sorte de jouissance l il purifie, il répare, il réconcilie. Mais nous autres avoués, nous voyons se répéter les mêmes sentiments mauvais, rien ne les corrige, nos études sont des égouts qu'on ne peut pas curer..."
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