Back in black! Ou Back in Clair-obscur façon Rembrandt... le Colonel Chabert était sous les ordres de Napoleon lors de la bataille d'Eylau. Lui et ses hommes s'y sont pris un gros coup dans la nuque ( et non une défaite... merci Caliban qui, en commentaire, m'a remis dans le droit chemin ;-)). Hyacinthe Chabert est laissé pour mort, balancé dans la fosse commune, oublié bien vite par son épouse en France, relayé aux oubliettes par le retour à la monarchie dans un pays qui ne veut plus entendre parler de ces héros-là. Mais il revient. Un Lazare cherchant à retrouver son passé, sa femme, son honneur et bien d'autres choses que le temps a détruit comme la guerre a piétiné ses compagnons et lui-même.
Balzac a inventé une façon de raconter le monde, un arc narratif repris aujourd'hui par toutes les séries du monde: la société française comme un théâtre- la Comédie humaine. Redek et Pierrot, 2 youtubeurs (chaîne le Mock sur youtube) excellents et méchamment lettrés, font un parallèle original entre la Comédie humaine De Balzac et le Marvel Comics Universe. Si nous prenons le personnage de Derville, l'avoué du Colonel Chabert, personnage prépondérant dans ce roman-ci. Derville apparaît, lors d'autres épisodes, de manière plus anecdotique (dans Cesar Birotteau, par exemple). A l'instar d'un Thor, plus ou moins exotique dans The Avengers puis carrément centrale dans Ragnarock. Balzac jouait, bien avant tout le monde, avec une mise en scène complexe, jouant sur l'importance accordée à chaque personnage suivant le récit, le cadre et le milieu sociale.
Au-delà de ce jeu intimement lié à la narration et à son ambition réaliste, dans le Colonel Chabert, Balzac joue sur l'image et la peinture que représente et incarne cet être décharné, blessé, mort-vivant : "L'ombre cachait si bien le corps à partir de la ligne brune que décrivait le haillon, qu'un homme d'imagination aurait pu prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard"... un portait de Rembrandt sans cadre nous dit-il plus loin. Tout est finalement dans cette part d'ombre que même le plus puissant des réaliste ne saurait décrire et percer à jour. (Back in black, je vous disais 😉)
Le Colonel Chabert (dans cette superbe édition de Livre de poche Les Classiques de Poche) rappelle le caractère universel et intemporel du grand écrivain qu'est Balzac. À lire et relire, à l'envi!
On pourrait également parler longtemps de motif de Lazare et du retour à la vie dans la littérature, le cinéma ou les séries : le retour de Martin guerre, en est un bel exemple. Plus récemment, Homeland (sur Showtime) exploitait le retour d'un soldat que l'on croyait mort en Afghanistan et dont on doutait des ambitions. La description de Chabert à travers les yeux de Derville renvoie également à la littérature fantastique qui regorge de figures tenant aux morts-vivants... aaaah Balzac: quel précurseur!
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Le Colonel Chabert est un ouvrage d'une exceptionnelle profondeur. Comme toujours, chez ce merveilleux écrivain qu'est Balzac, la société et la vie sont radiographiées. C'est peut-être ça qui fait un chef-d'oeuvre. La radiographie est cruelle, elle va jusqu'au plus noir, mais elle y va avec un talent certain.
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Ceci est un roman court, et mené de main de maître par Balzac. ll commence par une longue scène très vivante, dans l'étude d'un avoué nommé Derville. Celui-ci reçoit une demande de rendez-vous de la part d'un misérable. Cet homme prétend être le colonel Chabert, héros de l'armée napoléonienne, laissé pour mort sur le champ de bataille d'Eylau en 1807. Des années plus tard, il revient dans la France de de Louis XVIII pour faire reconnaître son existence et ses droits. Or, sa femme s'est remariée avec un comte (royaliste, naturellement), dont elle a eu deux enfants. Bizarrement, Derville se révèle serviable et disposé à appuyer les requêtes de Chabert. Il cherche à mettre au point un accord à l'amiable entre les deux (anciens) époux. Leur rencontre dans l'étude de l'avoué et ses suites sont le point culminant du roman. Je n'en dirai pas plus, si ce n'est que le dénouement me fait évidemment penser au "Père Goriot".
Le personnage de Chabert est décrit sous un jour très favorable - il y a même du sentimentalisme - alors que la comtesse est présentée comme une "salope" beaucoup plus maligne que son époux. (Que disent les féministes de ce parti-pris ???). D'autre part, la Restauration - si opposée à l'époque de Napoléon - est évoquée d'une manière instructive. Quant à l'aventure du héros, elle est originale et intéressante. Au total, ce roman me parait excellent. Il se lit sans difficulté et mérite sa bonne réputation.
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