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Critique de michfred


Que ceux qui m'ont déjà lue sur le faiseur me pardonnent, mais j'ai décidé de re-poster ma critique du 14-11-2015....en la remettant dans son contexte :

Je sortais du théâtre où je venais de voir le Faiseur, justement, au milieu des rires et des applaudissements, ce vendredi 13 novembre de sinistre mémoire: tous les portables rallumés ont tôt fait de répandre l'affreuse nouvelle des attaques dans Paris.

Douche écossaise terrible...

Plus que jamais je crois et je dis que la culture, la lecture, le spectacle vivant, partagés et débattus ensemble, sont les meilleurs antidotes à tous les poisons du fanatisme, de l'embrigadement et de la connerie aveugle et meurtrière... On devrait décréter l'état d'urgence culturelle absolue!!

Et revoici ma critique, maintenant..inchangée, comme mon amour pour Balzac!

Sans la mise en scène primesautière de Robin Renucci, enlevée à un rythme effréné, où les personnages habillés et coiffés comme des caricatures de Daumier, caracolent et gesticulent sur des tréteaux, dressés sur la scène comme pour un spectacle dans le spectacle, je serais sans doute passée à côté de cette pièce De Balzac, un specimen rare chez ce romancier forcené, car celle-ci ne parle que d'affaires , de banqueroute, de créances, d'emprunts, d'actions, de boursicotage, et de délits d'initiés..

Parce que je n'y comprends rien, et que dès qu'on me parle d'intérêts, de taux, de marché j'ai les neurones plus volatiles qu'un emprunt russe...

Mais là, pendant deux heures pleines comme un oeuf, j'ai ri, applaudi, jubilé...Mûre pour la carrière tardive de trader? Pas du tout!

J'ai juste adoré la satire grinçante et cocasse des milieux d'affaires, apprécié les tempétueux retournements de situation (ruiné, pas ruiné, escroqué, escroqueur, perdu, au bord du suicide, sauvé par un dénouement digne des comédies latines et totalement rocambolesque)

Je vais tenter de m'expliquer un peu: Mercadet est un habile spéculateur mais là il est vraiment aux abois :il est perdu de dettes, ses créanciers ont sonné l'hallali et s'apprêtent à lui donner le coup de grâce. Il a beau brandir le spectre d'un associé mythique parti aux Indes, que personne n'a jamais vu, que tout le monde -et surtout Mercadet- attend comme le Messie et qui s'appelle...Godeau ( je le jure! Il attend Godeau...Beckett a dû s'en inspirer!!), plus personne ne le croit.

Quant au mariage arrangé de son laideron de fille avec un richissime Michonnin de la Brive (aussi faux qu'une pièce de treize francs mais fieffé escroc et fier coquin ) il s'avère encore plus ruineux que tout le reste: le gandin est fauché comme les blés lui aussi. Il veut bien, pour faire affaire avec Mercadet, essayer de se faire passer pour ledit Godeau, mais on ne s'improvise pas acteur quand on n'est qu'un faussaire au petit pied...Bref tout va mal...

Sauf que la fille momoche est surtout une bien bonne fifille: elle a un petit amoureux timide et besogneux, et tous deux avec leurs bons gros sentiments et leur petit amour au point de croix vont, presque malgré eux, sauver Mercadet de la honte, de la ruine, du déshonneur et peut-être de la mort...

Le fantôme de Godeau n'a pas dit son dernier mot et Mercadet ne l'a pas inventé ni simulé en vain...mais chut!Il faut voir la pièce!

le dénouement est cousu de (gros) fil blanc, mais ce qui est tordant ce sont les efforts désespérés de Mercadet qui use et abuse du procédé dit de la cavalerie (on promet toujours et on ne paie jamais) et qui déploie des trésors d'imagination et de mise en scène pour sauver son monde de spéculation et de fumées...

Finalement, l'argent et la bourse, vus sous cet angle, ont quelque chose de réjouissant: Mercadet est un romancier à la Balzac, dans son genre..Imaginatif, plein de ressources, metteur en scène étourdissant de sa propre vie, marionnettiste d'illusions et prestidigitateur de faux-semblants, prenant et déplaçant les autres, femme, fille, domestiques, amis, créancier..., à sa guise et selon son inspiration, comme les pions d'un échiquier!

Les acteurs sont bondissants et grimaçants , un vrai bal de grotesques! Jamais aucun des personnages ne disparaît en coulisses, on les voit toujours un peu derrière un rideau, un tableau, un fauteuil, à épier, roder, surprendre ou applaudir le jeu de bonneteau de Mercadet, leur illusionniste de génie...Quant à ce dernier, impérial, il est presque toujours drapé dans une magnifique robe d'intérieur qui nous fait penser...à Balzac, vu par Rodin!

Un régal à voir , sûrement plus qu'à lire, mais un régal quand même!
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