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Critique de Ys


Ys
25 septembre 2017
En 1799, alors que Bonaparte s'apprête à reprendre en main l'héritage de la Révolution, la Bretagne s'enflamme une dernière fois en faveur des Bourbons. Contrairement à leurs aînés vendéens, ces Chouans-là ne sont guère plus que des bandits de grand chemin, qu'un jeune aristocrate intrépide a entrepris de prendre en main au service du roi et de la foi. Avec assez de succès pour inquiéter les instances parisiennes - et parmi elles Fouché, le tortueux Fouché qui a fort bien compris combien serait risqué un affrontement militaire sur le terrain de l'ennemi, offert à ses embûches. Plutôt que des hommes en renfort, mieux vaut donc envoyer une femme. Une belle espionne, censée prendre le rebelle dans ses filets et le mener à sa perte, sans combats superflus.
Seulement, comme dans tout drame romantique qui se respecte, la belle espionne et sa victime s'éprennent l'une de l'autre à la première confrontation. Marie de Verneuil et le marquis de Montauran sont faits pour s'aimer, assurément, et se déchirer, et se trahir, s'aimer encore malgré tout. Si leur passé, leur histoire les distingue, sont-ils au fond si différents ? Une même flamme un même beoin d'absolu et d'action brûle en chacun d'eux, plus épuré chez Montauran, plus inquiet, plus tourmenté chez Marie. Une même fierté et une même violence, aussi, qui ont toutes les chances de mener au pire plutôt qu'au meilleur, surtout quand se mêle de la partie l'inquiétant Corentin, prêt à tout pour défaire les ennemis de la République... et faire sienne Marie, qui le dédaigne beaucoup trop ostensiblement.

Avant d'entrer pour de bon en littérature, Balzac a publié sous divers noms d'emprunt quelques romans historiques dans la veine de Walter Scott et consorts, "cochonneries littéraires" à vocation commerciale dont il ne faisait pas grand cas et ne tardera guère à se moquer. Composé à la fin des années 1820, entre l'échec cuisant de ses ambitions d'éditeur et les débuts de la Comédie Humaine, les Chouans se pose au carrefour de ses deux carrières. Scrupuleusement travaillé sur le plan historique et topographique, ouvert à une analyse psychologique qui annonce les grandes études de caractère ultérieures, le roman reste toutefois marqué par un bon nombre de clichés romantico-gothiques qui ne manquent pas de charme mais gâchent parfois un peu la crédibilité de l'ensemble, ainsi qu'à certaines facilités scénaristiques dans la droite lignée des romans populaires. D'où un résultat un peu bancal, un peu artificiel dans ses envolées sentimentales, un peu poussif dans ses volontés de rigueur littéraire, assez long à mettre en route mais de plus en plus captivant à mesure que l'histoire prend son essor et qu'opère le charme des personnages. Car là réside sans doute la meilleure réussite De Balzac : ces deux personnages au caractère affirmé, antagonistes malgré eux, dont les ressorts dépassent largement les quelques clichés dont ils restent façonnés. Marie, surtout, avec ce mélange ambigu d'intelligence et d'exaltation, de coquetterie et de grandeur d'âme, de dissimulation et de franchise, avec sa part de mystère, sa soif de vivre, son audace, qui en font une superbe héroïne, romantique en diable mais bien plus forte et plus subtile que la plupart des héroïnes romantiques.
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