- Chère Natalie, dit Paul, comprenez donc que ce n’est ni moi, ni votre mère, ni vous qui exigeons ces sacrifices, mais les enfants…
- Et si je ne me marie pas ? dit-elle en l’interrompant.
- Vous ne m’aimez donc point ? dit Paul.
- Allons, petite folle, crois-tu qu’un contrat soit un château de cartes sur lequel tu puisses souffler à plaisir ? Chère ignorante, tu ne sais pas combien nous avons eu de peine à bâtir un majorat à l’aîné de tes enfants ! Ne nous rejette pas dans les ennuis d’où nous sommes sortis.
- Pourquoi ruiner ma mère ? dit Natalie en regardant Paul.
- Pourquoi êtes-vous si riche ? répondit-il en souriant.
- Ne vous disputez pas trop, mes enfants, vous n’êtes pas encore mariés, dit madame Evangélista.
“La haine, comme l'amour, se nourrit des plus petites choses, tout lui va.”
Une vieille marquise se servit d'une expression jadis en usage à la Cour pour désigner la florissante jeunesse des Beaux, des Petits-Maîtres d'autrefois, et dont le langage, les façons faisaient loi : elle dit de lui qu'il était la fleur des pois. Paul de Manerville acquitta glorieusement les obligations que lui imposait son surnom. Il lui advint ce qui arrive aux acteurs médiocres : le jour où le public leur accorde son attention, ils deviennent presque bons.
Le contact perpétuel n'est pas moins dangereux entre les enfants et les parents qu'il l'est entre les époux. Il est peu d'âmes chez lesquelles l'amour résiste à l'omniprésence, ce miracle n'appartient qu'à Dieu.
La créole est une nature à part, qui tient à l'Europe par l'intelligence, aux Tropiques par la violence illogique de ses passions, à l'Inde par l'apathique insouciance avec laquelle elle fait ou souffre également le bien et le mal ; nature gracieuse d'ailleurs, mais dangereuse comme un enfant est dangereux s'il n'est pas surveillé. Comme l'enfant, cette femme veut tout avoir immédiatement ; comme un enfant, elle mettrait le feu à sa maison pour cuire un œuf.