Dans une lettre à Madame Hanska,
Balzac présentait ainsi le sujet de cette longue nouvelle qui devait à l'origine s'intituler La Fleur des Pois :
« J'ai peint toutes les infortunes des femmes ; il est temps de montrer aussi les douleurs des maris. »
Paul de Manerville est un noble de Bordeaux, diplomate de son état et comte par son titre, il possède une fortune importante et cherche à se fixer dans son domaine de Lanstrac pour vivre de ses rentes en gentilhomme campagnard après avoir vécu dans diverses parties du monde et à Paris en particulier. Paul est aussi l'ami d'Henri de Marsay. Il lui confie qu'il souhaite se marier. Aussi tombe-t-il entre les mains de la veuve Évangélista, ambitieuse pour sa fille Natalie et surtout ne souhaitant pas réduire son train de vie, qui est fort grand. Elle trouve donc en Paul, le gendre idéal à plumer. La première partie du roman consiste à présenter les deux parties, par notaires interposés. Ainsi Solonet, jeune notaire ambitieux représente les Évangélista tandis que Mattias, vieux notaire aguerri agit pour la cause de Paul. le narrateur se fait juge et parti dans ces tractations où tous les détails comptent, n'échappent aucunement à Madame Évangélista alors que les jeunes fiancés semblent roucouler et s'ennuyer de ces formalités. de nombreuses références juridiques du droit du XIXème siècle, montrent si besoin était que
Balzac n'a pas fréquenté pour rien la faculté du même nom et le contrat se joue à la fois sur l'établissement d'un majorat par Matthias pour protéger Paul et dans le don de diamants de la part de Madame Évangélista à son gendre qui, aveuglé d'amour, transmet à sa fiancée mais qui causeront en grande partie sa perte.
La deuxième partie que
Balzac appelle « conclusion » voit Paul ruiné, six ans plus tard, partant pour l'Inde afin de refaire fortune et lisant deux lettres- une de sa femme et une de de Marsay - qui révèlent toute l'hypocrisie et la supercherie du mariage. La plus importante de ses lettres est certes celle de de Marsay qui révèle les considérations de celui-ci sur le mariage qu'il envisage avec un certain cynisme calculateur mais qui en même temps donne une perspective intéressante sur le mariage et l'amour dans l'aristocratie de l'époque, tout en dévoilant probablement en partie les propres vues
De Balzac.
Le style reste celui d'un « observateur » de son temps qui prend une histoire pour inscrire l'Histoire de son époque avec accumulations de détails techniques, surtout en ce qui concerne l'argent, les rentes et les revenus rendus par les terres. L'auteur connaît son sujet. Son art consiste, à travers les dialogues, à déceler toute l'hypocrisie des jeux de Madame Évangélista qui se donne corps et âme à l'établissement de sa fille habituée à vivre dans un luxe pharaonique. A chaque épisode de ce contrat, le narrateur intervient toujours pour assener une espèce de morale générale, il prend toujours ses distances, crée une perspective par des réflexions plus ou moins philosophiques, un peu comme s'il prévenait son lecteur tout en le faisant complice. C'est certes là un des charmes
De Balzac, avoir l'air de s'égarer pour mieux relancer sa machine narrative.