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Critique de Arianemasoeur


A l'occasion de la disparition récente de Russel Banks, je me suis replongée dans ce roman, que j'avais beaucoup aimé à sa sortie, en 2004, afin d'en proposer une critique pour Babelio. Loin d'être décevante, cette relecture m'a passionnée, car la densité et la richesse du roman sont loin d'être épuisées à la première lecture.
La narratrice est une femme presque sexagénaire, Hannah, qui revient sur son parcours et la vie, ou plutôt les vies, qu'elle a menées. Car Hannah a eu plusieurs vies, et elle a d'ailleurs plusieurs noms. Hannah, Dawn, Madame Sundiata, qui est-elle vraiment ? « C'est cela, le véritable Rêve américain, pas vrai ? Pouvoir repartir de zéro, changer de forme, disparaître et ressurgir plus tard en étant quelqu'un d'autre », écrit la narratrice. La question de l'identité est ainsi posée et résonne étrangement avec les questions que pose Claire Marin, dans son essai récent Être à sa place : quelle est notre place dans le monde, peut-on se réinventer sans cesse, qu'est-ce qu'une vie où l'on serait pour toujours assigné à la même place ?
Hannah se réinvente sans cesse : la jeune fille bourgeoise au parcours tout tracé devient une militante des Weathermen qui organise des attentats, puis la femme d'un ministre au Libéria, enfin une agricultrice dans les Adirondacks. Mais les passages les plus poignants sont certainement ceux où elle s'improvise sauveteuse et gardienne de ceux qu'elle appelle ses « rêveurs », les chimpanzés. Les relations qu'elle entretient avec ces animaux si proches de nous et qu'elle aime plus que ses propres enfants sont poignantes. Quand elle plonge ses yeux dans les leurs, elle aperçoit « une part essentielle, un aspect irréductible de son être ». Et c'est peut-être là qu'Hannah, enfin rassemblée, devient vraiment elle-même.
N'oublions pas qu'une bonne partie du récit se passe au Libéria et est très documentée, notamment sur les guerres civiles qui ont déchiré le pays pendant plusieurs années, jusqu'à le laisser exsangue. Russel Banks décrit très bien les rapports de pouvoir, les factions, le rôle des puissances étrangères, tout particulièrement des Etats-Unis, dans ce conflit meurtrier. Hannah et sa famille ne sortiront pas indemnes de cette barbarie.
Enfin, Russel Banks, avec une empathie puissante, presque surnaturelle, arrive à se mettre à la place d'une narratrice féminine, parvenant à comprendre ce que peut éprouver une femme, de façon plus ou moins heureuse, dans toutes les étapes de sa vie : la jeunesse, la sexualité, la maternité, le vieillissement. Quel exploit ! Ce livre est une merveille !
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