Citations sur Une enquête du commissaire Dupin : Les marais sanglants.. (19)
Dans le Gwen Ran, il suffisait de s'élever de quelques mètres pour jouir d'un panorama impressionnant. La visibilité à cent quatre-vingts degrés offrait au regard une véritable plongée dans les paysages étranges et magnifiques des marais salants, dans les prairies alluviales aux teintes verdâtres et dans le lagon turquoise.
Elle montrait également Kervalet, Batz-sur-Mer et Le Croisic, avec son église carrée. Dupin avait du mal à en détacher le regard.
Il était bien conscient d'enfreindre tous les règlements de sa profession et avait même ressenti une pointe de scrupule en roulant vers la saline, ce qui n'était vraiment pas son genre.
Il n'avait rien à faire ici. D'un point de vue administratif, le département de Loire-Atlantique, où se trouvaient les salines, ne faisait plus partie de la Bretagne.
Dans les années 1960, en effet, il avait été "arraché" aux Bretons au cours de réformes administratives vécues par beaucoup comme de véritables "violences légalisées".
Du point de vue de la culture, de la vie quotidienne et des mentalités, cependant, le département demeurait parfaitement breton.
_Je propose que l'on l'emmenions le plus rapidement possible pour que je puisse l'autopsier et vous en dire plus. A part la blessure à la tempe, je n'ai pas trouvé d'autre trace de violence.
" Un chemin de fer reliant la France et la Bretagne sera plus efficace pour l'enseignement de notre langue aux Breton qu'une armada de professeurs chevronnés. Ce seul argument justifie un investissement de plusieurs millions!"
(paroles du secrétaire d'état à l'époque où le chemin de fer arriva en Bretagne)
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La minuscule Peugeot était garée sur le parking, près de l'entrée. Ce serait leur dernière sortie - lundi, enfin, il récupérerait sa bonne vieille Citroën XM.
Le soleil était très bas, une large bande jaune brillait à présent au-dessus de l'orange lumineux du fleuve et les baignait de sa clarté dorée. Autour de l'astre, l'horizon était un immense foyer incandescent qui palissait progressivement jusqu'au zénith où le ciel était d'un bleu pâle et tendre que perçaient les premières étoiles.
Dupin réfléchit. Peut-être, en effet, ferait-il mieux de coopérer. Il n'était pas chez lui, ici. Il n'avait aucune légitimité à donner des ordres et, seul, il était impuissant. Il était totalement dépendant de sa collègue, que cela lui plaise ou non.
Il avait été retenu par d’ennuyeuses tâches administratives, formulaires en tous genres et obligations bureaucratiques – toutes ces contraintes pénibles qui, contrairement à ce qu’on apprenait dans les films et les romans, composaient en grande partie la vie d’un véritable commissaire : déposer une demande de nouveaux véhicules pour ses deux inspecteurs, lire les nouvelles directives d’utilisation de véhicules de fonction au sein de la police – un document de vingt-huit pages en police de caractères 9, avec un interlignage quasi inexistant.
C'était également la désignation bretonne qui s'était imposée pour nommer la table de pierre que l'on trouvait partout dans le monde : le "dolmen", construction composée d'énormes blocs de pierre brute qui servait généralement de sépulture. On en voyait davantage que de menhirs ou de cromlec'hs, et ils passaient pour être le domicile favori des fées.
...Il connaissait bien sûr le Mont-Esprit. C'était le nom de l'une des deux "montagnes" - on les appelait ainsi- qui s'étaient formées depuis le XIXème siècle à partir des résidus déchargés par les cargos transportant le sel dans le port du Croisic avant de remplir leurs cales d'une nouvelle cargaison d'or blanc.