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Citations sur La lumière des étoiles mortes (38)

Qu'elle est fragile cette absurde profession dans laquelle j'ai passé ma vie à faire semblant d'être un autre, et surtout semblant de ne pas être moi-même.
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On évoluait dans l'inconnu, en fin de compte, autant elle que moi, sûrement. Si j'avais été un homme plutôt qu'un jeune garçon, elle aurait su comment se comporter, aurait recouru à des plaisanteries, à des sourires ironiques, et aurait affiché une mine réticente pour exprimer le contraire – le jeu habituel –, mais que fallait-il qu'elle fasse de moi, ramassé en crapaud à sa table de cuisine, le bas du pantalon humide et légèrement fumant, les yeux farouchement baissés, les coudes plantés sur le plateau en bois, la tasse solidement calée entre les mains et rendu muet par la timidité et une secrète luxure ?
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La pluie avait cessé depuis un moment, mais une nouvelle averse commençait à carillonner contre la fenêtre au-dessus du lit, je voyais, poussées par le vent, les gouttes impalpables frissonner, puis glisser le long de la vitre couverte de buée grise. Je songeais avec une émotion qui me paraissait relever du chagrin aux branches trempées des cerisiers dehors qui étincelaient sombrement et aux fleurs abîmées qui tombaient. C'était donc ça être amoureux, me dis-je, cette brusque et violente rafale au cœur ?
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Je m'aventurai dans le couloir, mes pas assourdis par le tapis – de quelle couleur, de quelle couleur était-il ? –, sans savoir où j'allais ni ce que je cherchais. Le vent chuchotait dans les cheminées. Incroyable la manière dont le monde parle dans sa barbe, à sa façon furtive, pensive. Une porte était à moitié ouverte, mais je ne la remarquai qu'après l'avoir presque dépassée. Je me revois là, jetant des regards à droite et à gauche, derrière moi, et soudain tout se ralentit dans une sorte de cahot, d'à-coup.
Ce tapis, maintenant, je me souviens : il était bleu pâle ou bleu-gris, c'était ce qu'on appelle un tapis de couloir, je pense, et, sur les côtés, le vernis du parquet, d'une vilaine teinte marron foncé, luisait comme du caramel poisseux qu'on aurait déjà suçoté. Vous voyez tous les trucs qui remontent, quand on se concentre.
N'empêche que le temps et la mémoire forment une entreprise de décorateurs d'intérieur bien tatillons, qui ne cessent de déplacer les meubles, de repenser les pièces et même de leur assigner de nouvelles fonctions.
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Que me revient-il d'elle, ici, en ces jours pâlots de l'année finissante ? Des images du passé lointain se pressent sous mon crâne et la moitié du temps je suis incapable de dire si ce sont des souvenirs ou des constructions de l'esprit. Ce n'est pas qu'il y ait une grande différence entre les deux, si tant est qu'il y en ait une d'ailleurs. D'aucuns affirment que nous inventons à mesure et à notre insu, que nous brodons et enjolivons, et j'aurais tendance à être de leur avis, car Mme Mémoire est une grande et subtile hypocrite.
P14
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« … et le premier signe que j'eus de cette femme à bicyclette fut le crissement de ses pneus, bruit qui me paraissait terriblement érotique quand j'étais gamin – il le demeure aujourd'hui encore, j'ignore pourquoi. L'église se dressait sur une éminence, et lorsque, levant la tête, je la vis approcher avec la flèche dans son dos, j'eus l'impression excitante qu'elle venait de descendre du ciel, en piqué, à l'instant même, et que ce que j'avais entendu n'était pas un bruit de pneu sur le goudron, mais d'ailes occupées à fouetter l'air. Négligemment rejetée en arrière et tenant son guidon d'une main, elle me fonçait presque dessus, en roue libre. Elle portait un imperméable en gabardine, dont les pans claquaient à sa droite et sa gauche comme, oui, comme des ailes, et aussi un pull bleu par-dessus un chemisier à col blanc. Que je la revois bien ! Je dois l'inventer, je veux dire, je dois inventer ces détails. Sa jupe était ample et large et tout à coup le vent s'engouffra dedans et la souleva, découvrant mon inconnue jusqu'à la taille. Eh oui.  On nous certifie aujourd'hui qu'il n'y a pratiquement pas de différences dans la manière dont chaque sexe appréhende le monde, mais je suis prêt à parier qu'aucune femme n'a jamais éprouvé l'obscur plaisir qui se diffuse dans les veines d'un mâle de n'importe quel âge, qu'il soit nourrisson ou nonagénaire, quand il est confronté au spectacle des parties d'une femme, pour reprendre la pittoresque terminologie d'antan, accidentellement, c'est-à-dire fortuitement, exposées à la vue de tous. »
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"En quel royaume éternel, dois-je croire, lequel dois-je choisir? Aucun, puisque tous mes morts sont tous vivants dans mon coeur, moi pour qui le passé est un présent plus lumineux et éternel; vivants pour moi et néanmoins disparus, sinon dans le fragile au-delà de ces mots."
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« Il parlait maintenant de la lumière des étoiles mortes qui parcourt un million – un milliard, un milliard de milliards ! – de miles avant de nous atteindre. « Même ici, a-t-il ajouté, à cette table, la lumière représentant l'image de mes yeux a besoin de temps, d'une fraction de temps, infinitésimal, mais de temps néanmoins, pour atteindre vos yeux, si bien que partout où nous posons notre regard, partout, c'est le passé que nous contemplons. »
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« J'étais incapable de savoir ce que je préférais, entre arriver sur place le premier et avoir à l'attendre, les paumes moites et le coeur battant à tout rompre – allait-elle se manifester ou était-elle revenue à la raison et avait-elle décidé d'en finir avec moi sans délai ? – ou la trouver là avant moi, toujours anxieusement accroupie devant la porte (…). Pendant une minute ou deux, une gêne particulière régnait entre nous et nous n'échangions pas un mot, ou bien sur le mode guindé, tels des inconnus polis, et nous nous regardions à peine, stupéfiés par ce que nous représentions l'un pour l'autre et aussi, encore une fois, sans doute, par l'énormité de ce dans quoi nous nous étions engagés. »
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« Les morts sont ma matière noire, ils comblent imperceptiblement les vides du monde. »
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