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Critique de florigny


Alors qu'il atteint l'âge de la retraite - celui où le passé commence à paraître plus vivant que le présent - Alex, acteur, se voit proposer le rôle principal dans un film qui s'intitule L'invention du passé. Cette tardive surprise est pour lui prétexte à une déambulation déconstructive dans son passé, deux fois douloureux : l'été de ses 15 ans, au cours duquel Mme Gray, mère de son meilleur ami, lui fait découvrir le vertige du sexe et conséquemment de la passion avant de sortir de sa vie ; puis plus tard la mort de sa fille Cass, suicidée, qui a plongé pour l'éternité ses parents dans un deuil indépassable fait de dégringolades et d'éphémères récupérations.


Pour un jeune adolescent vigoureux qui a la fièvre dans le sang, Mme Gray apparaît comme une femme abstraite, comme Ewig-Weibliche, l'Eternel féminin, inépuisablement désirable, ou comme la pin-up de la publicité de Kayser Bondor qui vend des bas 15 deniers sur des affiches largement diffusées. Avec celle qui a l'âge de sa mère - 20 ans de plus que lui – Alex s'adonne à la débauche, la luxure, la lubricité érotique... et apprend à ses dépens l'amour inconditionnel pour une femme menacée par le scandale et l'exclusion si une telle liaison venait à être découverte. Est-elle toujours en vie cinquante ans après ? Alex doit-il chercher à le savoir et ainsi confronter la réalité à son imagination ?


Quel magnifique roman sur la passion, le sexe, la mort, le deuil, la mémoire, sur la fiabilité des souvenirs, embellis ou enlaidis, tronqués ou enrichis, vrais ou faux. Et si l'on se trompait sur tout ? Et si nous nous faisions des idées fausses sur tout ? Et si tout ce que nous croyons de bonne foi avoir vécu était erroné ? Et si nous passions notre vie à élaborer une réalité biaisée ? Et si la mémoire n'était qu'un tissu bouffé aux mites et plein de trous ? Et si le passé était un présent lumineux et éternel dans lequel nos morts, disparus, oubliés étaient vivants, près de nous, dans un monde parallèle et mitoyen abritant les esprits de ceux qui ne sont plus là mais pas tout à fait partis non plus ?


La plume de John Banville est vibrante d'émotions dans chaque phrase, tantôt nostalgique, tantôt sismique ou éruptive. Son style épidermique, poétique, sa délicatesse, son regard complice, aimant porté sur ses personnages exclut toute trace de la moindre vulgarité du terrain glissant de son récit. Il parvient même, malgré la gravité des sujets abordés à inclure ici ou là des notes d'un humour subtil et aiguisé.


« Il parlait maintenant de la lumière des étoiles mortes qui parcourt un million – un milliard, un milliard de milliards ! - de miles avant de nous atteindre.
- Même ici, a-t-il ajouté, à cette table, la lumière représentant l'image de mes yeux a besoin de temps, d'une fraction de temps, infinitésimal, mais de temps néanmoins, pour atteindre vos yeux, si bien que partout où nous portons notre regard, partout, c'est le passé que nous contemplons ».
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