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Critique de Lamifranz


Les vedettes de music-hall, il y en a de deux sortes : les uniques et les interchangeables. En général les uniques durent plus longtemps. On les reconnaît bien sûr à la qualité de leurs textes, à l'excellence de leurs musiques, à la justesse de leur interprétation… et chez certains à une apparence qui leur est propre et qu'ils cultivent comme une deuxième peau : imaginez Brassens sans sa moustache, sans sa guitare et sans son Pierre Nicolas à la contrebasse, c'est pas Brassens ! Imaginez Juliette Gréco sans ses grands yeux, sans son fourreau noir, sans ses mains qui montent dans le ciel comme une fumée de cigarette, c'est pas Juliette ! Imaginez Barbara sans son piano… Non, ça, c'est pas possible. Il n'y a qu'un Brassens, qu'une Piaf, qu'un Brel, qu'un Ferré… et il n'y qu'une Barbara.
Barbara c'est notre histoire d'amour à nous (une de nos histoires d'amour). Pour ma part, c'est assez récent : à mon grand dam (parce que j'ai aussi un grand dam) je reconnais que je ne me suis intéressé de près à son oeuvre que quelques années avant sa disparition. J'étais sans doute impressionné par ce personnage tout en longueur et tout en langueur, cette étrangère vêtue de noir qui me ressemblait comme une soeur (vous avez le bonjour d'Alfred… De Musset). Impressionnante pour tout dire. Et pourtant, toute sa personne était un non-dit : ce regard qui passait pour être fier parce qu'il cherchait quelque chose ou quelqu'un par-dessus les spectateurs, cette gestuelle de liane lente et élégante, cette voix si particulière, ces textes « au cordeau », ces musiques enchanteresses, cette facilité à passer de la gouaille à la tendresse, de la gaudriole à la Mayol à une émotion profonde, oui, tout ça n'était qu'une façade, tout ça c'était une chanteuse nommée Barbara, née en 1952 au cabaret du Cheval-Blanc. Mais derrière Barbara il y avait Monique Serf, née en 1930, Monique, qui traînait une enfance pourrie (petite juive dans la France occupée, exode, viol par son père à l'âge de 10 ans, galères sans fin), et des années de vache enragée avant de rencontrer le succès. Et cette Monique de temps à autre traversait le masque de Barbara et se révélait…
Quand j'ai découvert les textes de Barbara (et ce fut la même chose avec Anne Sylvestre) j'ai compris qu'il y avait là une autrice capable de rivaliser avec les meilleurs, et même occasionnellement de les battre sur leur propre terrain. Les chansons de Barbara sont des poèmes mis en musique :
Le mal de vivre

Ça ne prévient pas ça arrive
Ça vient de loin
Ça s'est traîné de rive en rive
La gueule en coin
Et puis un matin au réveil
C'est presque rien
Mais c'est là, ça vous ensommeille
Au creux des reins
Le mal de vivre
Le mal de vivre
Qu'il faut bien vivre
Vaille que vivre

Les musiques également sont dignes d'éloges. Barbara a eu une formation classique, cela se sent, et la pratique du piano (une prolongation de son corps, comme le violon, le violoncelle ou la guitare pour d'autres) n'a aucun secret pour elle.

Ce qui nous séduit chez Barbara, c'est sans doute ce mélange entre l'eau et le feu, les blessures jamais refermées (les anciennes comme les actuelles, la maladie par exemple) et la volonté d'aller de l'avant « J'ai peur mais j'avance » (« Lily-passion ») avec ces palliatifs que sont la musique, l'amour et même l'humour, malgré tout :

Elle écrivait, en marge de « Femme piano » (1996) : « Femme-piano doit refléter l'amour de chanter avec la folie tournoyante que ça comporte. Les émotions, l'humour et la peine sont au bout du souffle ».

Madame Barbara, nous vous aimons. Et nous vous saluons. Chapeau bas.




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