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Critique de Luniver


Les algorithmes sont partout : dans nos pages Facebook, dans nos paniers d'achat en ligne, bientôt dans nos voitures. Certains les imaginent déjà prendre les décisions importantes à notre place : après tout, une machine n'est ni sensible au stress, ni corruptible, ni névrosée par son enfance…

Jean Baret pousse cette logique jusqu'à sa conclusion, et laisse les machines gérer entièrement la vie quotidienne. Des prothèses vous permettent d'évoluer dans un monde virtuel ; trois jauges (loisirs, amitié et amour (ou plutôt sexe)) permet de contrôler que vous restez dans la normalité. En cas de coup de mou, une dose d'anti-dépresseur dans votre nourriture quotidienne réglera sûrement le problème. Si pas, des séminaires sur-mesure (religion, psychanalyse, nihilisme) vous permettront d'accepter votre sort plus sereinement. N'essayez pas de comprendre ce que vous faites, profitez de la vie et laissez les algorithmes s'occuper des détails pratiques.

Un seul être semble de ne pas se satisfaire de son sort : Sylvester Staline reste passablement dépressif malgré les nombreux assistants virtuels prêts à l'aider, et se suicide régulièrement (le premier suicide survient dès les premières pages, et la scène est d'ailleurs particulièrement violente). Les bains de régénération des cellules, pour le coup, semblent plus un cauchemar karmique qu'une bénédiction.

Si la première idée de cette société gérée par les algorithmes est plutôt désagréable, une réflexion plus posée donne une vision plus ambivalente ; en effet, on ne sent jamais de réelle oppression sur les humains : Sylvester veut sortir de chez lui ? Pas de soucis, il peut (le problème, c'est qu'il n'y a plus rien à faire dehors, puisqu'il est tout seul à avoir cette idée). Il possède une arme illégale pour se suicider ? Les algorithmes, loin de le traquer, s'arrangent pour signer les papiers nécessaires pour que cette possession soit régularisée. Il veut se révolter contre cette société absurde ? On lui propose quantités de reportages pour lui apprendre tout ce qu'il veut sur le sujet. Sans résultat notable d'ailleurs, car si cette société tourne totalement à vide, quelque part l'humanité a gagné la partie : elle n'a plus de crainte sur son avenir, ses besoins primaires sont totalement pris en charge, et elle n'a plus qu'à profiter d'une vie de loisirs, d'instruction et de plaisir, situation que ne renieraient pas certains philosophes, anciens ou modernes.

Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas frotté à une dystopie, depuis ma lecture des classiques du milieu du XXe siècle. Je n'ai trouvé que des qualités à ce roman : une vision claire et incisive des questions qui vont se poser prochainement à nous, une foule de petits détails qui permet de nous immerger dans cette société sans même s'en rendre compte, et, cerise sur le gâteau, un humour qui permet de s'échapper de l'ambiance souvent sombre de ce genre littéraire.
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