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Critique de Melisende


Cinquième relecture – au moins –, je me sens particulièrement attachée et proche de ces Dames à la licorne ; tant et si bien que je place régulièrement ce titre de René Barjavel au rang de livre préféré. Lorsque Cali et Tsuki m'ont annoncé qu'elles aimeraient le découvrir, j'étais impatiente et fébrile. Je redoutais qu'elles n'apprécient pas mais, bonne nouvelle, elles ont lu – dévoré – cette histoire plus rapidement que moi ! Les échanges d'impression – en live ou presque – m'ont enchantée et m'ont permis de vivre une nouvelle expérience avec ce livre.
Les lectures passent mais m'apportent encore et toujours beaucoup de bonheur. Je découvre à chaque fois de nouvelles émotions et me sens proche de différents personnages selon les périodes de ma vie. Je ne me lasse pas des Dames à la licorne et c'est ce qui en fait un de mes livres cultes.

Ne vous fiez pas à toutes ces illustrations de couverture plus immondes les unes que les autres, pas vendeuses pour un sou et qui ne s'arrangent malheureusement pas au fil des années (la publication d'origine chez Les Presses de la Cité date de 1974 et c'est sans doute la "moins pire" de toutes). Les Dames à la licorne c'est l'histoire d'une minuscule île irlandaise et de tous ses habitants successifs. C'est l'histoire d'une terre balayée par la pluie et le vent qui, malgré toutes les difficultés et les obstacles – notamment anglais, n'oublions pas que le conflit anglo-irlandais dure depuis des siècles et des siècles ! – va toujours réussir à s'en sortir, presque toujours avec le sourire.
En cette deuxième moitié de XIXe siècle, la campagne irlandaise est habillée de quelques minuscules chaumières pauvres abritant des familles entières, et de champs de pommes de terre qui bravent tant bien que mal la maladie. Les paysans irlandais n'ont rien, tout ce qu'ils possèdent appartient aux occupants anglais et malgré la famine qui décime le pays, les denrées cultivées partent par bateaux entiers vers l'Angleterre.

Derrière la(les) romance(s), René Barjavel et sa co-auteure Olenka de Veer, n'oublient pas de planter le décor. Historiques ou géographiques, les éléments sont là et nous transportent dans l'Irlande du XIXe siècle. On souffre pour ces paysans dépossédés de tout et surtout – et c'est une habitude chez Barjavel – on se croit sur place, auprès des personnages.
La météo irlandaise n'a plus de secrets pour le lecteur après la découverte des Dames à la licorne et nul doute que nombre d'entre eux auront ensuite envie de se balader au milieu des vertes contrées, près des cotes Atlantiques escarpées et de visiter les vieilles forteresses et les dolmens millénaires. Si j'avais déjà l'Irlande bien ancrée dans la tête avant ma toute première découverte de ce livre, je l'ai depuis, complètement dans la peau. Les relectures successives des Dames à la licorne sont toujours un intense voyage vers ce pays que j'aime d'amour.

Si la campagne irlandaise de la deuxième moitié du XIXe siècle ne vous parle pas, peut-être trouverez-vous un intérêt aux aventures des nombreux personnages ?
Les deux auteurs débutent la généalogie familiale très tôt, au milieu du Moyen Age, lors de la première rencontre de Foulques avec la licorne. S'en suit une énumération assez intense et condensée de leurs descendants jusqu'à ceux qui nous intéressent dans le "présent de narration".
Cali et Tsuki ont été effrayées par ces premiers chapitres a priori indigestes, soulignant qu'elles n'avaient rien retenu. Je pense qu'il ne s'agit pas ici de retenir le moindre détail mais plutôt de percevoir l'accumulation et la présence de la licorne (et donc de sa magie) au fil des siècles, dans de nombreuses familles, jusqu'à son arrivée en Irlande.

De ses descendants, Barjavel et Olenka de Veer s'attachent surtout à Sir Jonathan qui, le premier, vient s'installer sur la petite île avec son épouse. de son amour pour sa terre et ses habitants naissent une grande maison blanche battue par les vents et un grand respect envers les paysans irlandais qui le lui rendent bien. Sage un peu loufoque, Jonathan apporte la paix sur l'île et les environs. John, son fils, trouve le temps entre deux études de vieilles pierres, d'épouser la jeune Harriet, anglaise effrayée par l'aridité de l'Irlande. Elle suit malgré tout son mari sur cette île perdue au milieu de nulle part, créant un nid douillet pour sa famille, oubliant les superstitions et évènements surnaturels qu'elle ne peut accepter, en bonne anglaise qu'elle est.
De ce couple étrangement assorti naissent cinq filles (Alice, Kitty, Griselda, Helen et Jane) aux tempéraments et destins diamétralement opposés. C'est ce que nous proposent de découvrir les deux auteurs dans la majeure partie du texte, mettant surtout l'accent sur l'une d'entre elle, la plus indisciplinée et sauvage de toutes : Griselda. Indomptable, la jeune fille rêve d'aventures et surtout de liberté.

Pour résumer en un seul mot toutes les intrigues de ce roman : l'Amour, avec un grand -A. L'Amour d'un homme, l'Amour de sa famille, l'Amour de son prochain, l'Amour de Dieu, l'Amour de son pays, l'Amour du Savoir... Tous les personnages se battent pour l'Amour de quelqu'un ou de quelque chose ; tous sont passionnés, animés par la force de ce sentiment.

Et ce qui fait la force de ces Dames à la licorne, c'est la plume si particulière de René Barjavel qui retranscrit parfaitement l'intensité des émotions des personnages, notamment celles de Griselda.
C'est palpable, c'est fort. A chaque fois je ne me contente pas de lire les aventures des personnages, je les vis avec eux. Combien de fois ai-je imaginé les scènes vécues par Griselda ? Alala... Shawn, la voiture, les balades au milieu de la campagne irlandaise, l'angoisse de l'engagement et de l'emprisonnement puis la peur d'avoir perdu (ou de perdre l'autre) définitivement... Toutes les émotions sont là, parfaitement décrites, sensuellement décrites. Quand je dis "sensuellement", c'est parce que Barjavel fait appel à nos sens pendant la lecture. Derrière un style très poétique, il transforme ses lecteurs en acteurs et c'est ce qui rend cette lecture si intense.
Par contre, il n'y a pas de demi-mesure ici : soit on adhère à la plume soit on y est allergique. Je comprends parfaitement qu'on puisse ne pas être sensible à ce style particulier ; pour ma part, je n'ai encore jamais trouvé une plume qui me touche autant (même Jane Austen !).

Tout me plait dans ce titre, je me sens particulièrement en adéquation avec le personnage de Griselda et j'adore voyager en Irlande grâce à lui. Peut-être pas le meilleur de Barjavel pour la plupart des lecteurs mais c'est, pour moi, celui qui me ressemble – et donc me touche – le plus.
L'aventure continue dans deux autres romans (deux autres « tomes ») : Les Jours du monde écrit conjointement par Barjavel et Olenka de Veer et La Troisième licorne, rédigé uniquement par cette dernière. le premier est dans ma PAL (il faut que je le lise absolument), le second est difficilement trouvable… mais je ne désespère pas !
Un téléfilm français a été tourné au début des années 80... mais impossible de mettre la main dessus ! Si j'avais vous avez un bon plan à ce sujet, contactez-moi !

Petite anecdote en plus : un peu avant mes 15 ans, je me faisais tatouer une licorne dans le dos (le motif était alors une évidence). Environ un an plus tard je découvrais pour la toute première fois Les Dames à la licorne. Amusant non ?
Lien : http://bazardelalitterature...
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