Il est des livres dans lesquels j'aime me replonger, pour retrouver une ambiance, une sensation ou un personnage particulièrement attachant.
Les dames à La Licorne, merveilleuse histoire d'amour en terre irlandaise, fait résolument partie de ceux-là.
« Foulques, premier comte d'Anjou, dit d'abord le Roux, puis le Plante-Genest rencontra la licorne le deuxième vendredi de juin de l'année 929 ». Et celle-ci, prenant l'apparence d'une femme, l'épousa et lui donna un fils.
« Près de mille ans » et bien des tragédies plus tard, à la fin du XIXe siècle, l'ombre attentive de la licorne veille toujours sur la descendance de Foulques. Et en Irlande, l'île de St-Albans qui abrite la maison construite par Sir Johnatan Greene, attend de servir le destin de ses héritiers. le retour de Sir John Greene dans la maison paternelle, avec son épouse Harriet et ses cinq filles (Alice, Kitty, Griselda, Helen et Jane), réveille la magie de l'île. Sous ses enchantements, l'amour va s'épanouir : sage comme l'inclination d'Helen pour le savant Ambrose, ou flamboyant comme la passion de Griselda pour le mystérieux Shawn…
Ecrit en 1974, ce roman s'inspire d'une famille ayant vraiment existé car
Olenka de Veer, co-auteur avec
René Barjavel, se présente comme l'arrière-petite-fille d'Helen et d'Ambrose. Il offre aussi de bonnes références historiques, en particulier sur la grande famine de 1850 en Irlande. Mais il a surtout la saveur d'un conte car ici les mystères d'antan coexistent avec le monde réel. Sur l'île, la végétation et les animaux – tel Waggoo le renard malicieux - participent du destin des personnages, donnant une profondeur fabuleuse à leurs aventures. La nature et les légendes d'Irlande, ainsi que l'imaginaire arthurien sont mis à l'honneur par la plume imagée et délicate de
René Barjavel, aussi habile à peindre les paysages que les sentiments. D'ailleurs, l'intensité de l'amour qui unit Griselda et Shawn n'est pas sans rappeler le couple mythique de
la Nuit des Temps. Quant à la thématique de Merlin et des chevaliers de la Table Ronde,
Barjavel la reprendra 10 ans plus tard, comme sujet central de son roman
l'Enchanteur, presque aussi délicieux que
Les dames à la Licorne.
Une très belle lecture, donc, comme un rêve qui nous emporterait loin dans le temps, l'espace et la féérie, auprès de Griselda en son jardin merveilleux. Avec une différence notable cependant : ce rêve-là ne s'évanouit pas au matin. Il reste à portée de main et on peut le recommencer autant de fois qu'on veut.