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Critique de Elamia


Une envolée lyrique vers l'Irlande, terre de légendes et de mystères, que l'on prend plaisir à savourer, jusqu'à la dernière page.

Suite à ma déception concernant l'Enchanteur, je n'avais qu'une hâte, donner une seconde chance à Barjavel. C'est tout naturellement que je me suis tournée vers cet ouvrage, remarquablement apprécié et traitant d'un sujet que j'adore : l'Irlande. Chose qu'il est difficile de croire lorsque l'on regarde les couvertures choisies au fil des éditions, qui ne rendent définitivement pas honneur au roman. Sans parler de la dernière en date, très racoleuse, à laquelle il ne faut absolument pas se fier, sous peine de passer à côté d'un univers incomparable. C'est une lecture évidente, pour celles et ceux qui s'intéressent de près ou de loin au XIXème et à l'Irlande, ou pour les adeptes de jolies romances, mais je pense sincèrement qu'il peut plaire à tout le monde tant il est exceptionnel de par sa forme et son fond.

Encore une fois, je n'ai rien à dire concernant le style, simplement irréprochable et vraiment unique. Co-écrit avec Olenka de Veer on ressent tout de même l'expression et la patte si particulière de Barjavel. Si comme dans l'Enchanteur, le thème principal du roman est l'amour sous ses diverses manifestations, Les dames à la licorne a su davantage m'atteindre et m'émouvoir. Barjavel y amorce ses premières réflexions concernant le légendaire Merlin et sa relation avec la dame du lac, Viviane. Mais si ce livre m'a tant plu, c'est parce qu'il s'inscrit avant tout dans un univers tangible, et qu'il met en scène des personnages plus vrais que nature, vraisemblablement les ancêtres d'Olenka de Veer en personne. A travers ce roman, j'ai eu l'impression de traverser les siècles, d'être véritablement propulsée en Irlande, tant les lieux, le climat, l'atmosphère, sont palpables. Les paysages, les caprices de la mer et du vent, la vie sauvage, les vallons et les collines, les contes folkloriques, font partie intégrante de l'histoire. C'est un pays qui a beaucoup à offrir, contrée mystique et verdoyante, qui inspire la fascination et l'émerveillement. Mais c'est aussi comme le rappelle si bien les auteurs, une terre meurtrie, qui a connu les affres de la famine, qui pendant des siècles, fut mise à mal par les conflits et le joug de l'Angleterre.
Outre cette ode émouvante à l'Irlande, Barjavel a aussi ce talent incomparable pour conter les sentiments et la passion qui anime les êtres. A travers le quotidien d'une famille des plus ordinaires, exilée sur l'île de St Albans, il brode les destins si radicalement opposés de cinq soeurs. Chacune, sous forme d'une révélation, trouvera l'amour à sa manière.

Je dois avouer, que le début m'a paru un peu long. Si j'ai beaucoup aimé l'évocation du Moyen-Âge et de la fameuse licorne, la suite concernant l'aïeul de la famille, Johnatan Green, m'a légèrement ennuyée. En effet, les auteurs prennent le temps de mettre en place le contexte, je ne les en blâme pas, cela nous permet d'apprendre l'existence particulière de la demeure familiale sur l'île d'Albans. Ils reviennent également sur des évènements historiques importants qui ont marqué l'Irlande à jamais, comme la grande famine qui sévit de 1845 à 1850 environ et qui décima le tiers de la population irlandaise. Il est vrai que le développement historique et ce retour en arrière est essentiel pour mieux appréhender le récit et véritablement s'imprégner de l'essence même du livre. Heureusement, une fois les 90 premières pages passées, le récit décolle vraiment. J'étais très heureuse de rentrer dans le vif du sujet, et de faire connaissance avec la nouvelle génération, celle de Griselda et de ses soeurs. On ne s'attarde pas beaucoup sur leur enfance, à peine évoquée par bribes de souvenirs distillés par ci, par là. Bien que Griselda soit à l'évidence l'héroïne véritable de cette histoire, dans un premier temps, je me suis prise d'affection pour l'une de ses aînées, Helen. Elle me paraissait être la plus ouverte d'esprit et la plus curieuse de découvrir la nature et les charmes environnants. Elle s'adapte et se contente assez bien de cette vie en autarcie sur l'île. Malgré son âme scientifique -puisque elle est la seule à assister son père dans ses travaux de recherche-, elle accepte les explications mystiques et les théories de la servante Amy concernant le Petit Peuple. Si Helen a eu d'emblée ma préférence, ce sentiment s'est bien vite dissipé, puisque par la suite, Griselda et sa fabuleuse histoire d'amour accapare toute l'attention. Quant à Amy, c'est également une figure à part entière, irlandaise d'origine elle a grandi et vécu avec les mythes du folklore celte, et n'hésite pas à faire des offrandes de nourriture pour rassurer les créatures invisibles habitant sur l'île. A l'inverse des domestiques que j'ai tendance à trouver trop effacés, ou sans grande importance, Amy a vraiment une personnalité singulière, et a de nombreuses choses à nous apprendre. Mais ce n'est pas la seule à changer la donne, car Molly a elle aussi un coeur en or, et sa complicité avec Griselda est réellement touchante.
Au sujet de cette dernière, si tout le monde s'accorde à dire qu'elle est la clé de voûte du récit, j'avais l'impression d'être la seule à ne pas avoir d'atomes crochus avec elle. Elle a un tempérament vif, qui dénote assez avec celui de sa famille, a soif d'aventures, et je n'ai pas ressenti un véritable attachement de sa part à son île natale. Assez indépendante dans sa vision de l'amour, je gardais donc de la distance avec ce personnage. Mais j'ai bien vite changé d'avis, tant sa relation avec Shawn est attendrissante -et divertissante-. Telle Griselda, j'attendais avec impatience les moments où l'automobile arriverait en caracolant pour m'emporter vers des chemins et des endroits mystérieux.
Nous retrouvons également en la personne d'Augusta, l'une des figures familières des romances du XIXème, à savoir, la tante autoritaire, qui ne jure que par le mariage, et qui souhaite chapeauter tout son monde. Un caractère qui ne manque pas d'originalité et de verve, contrairement à son mari qui est assez indolent. Concernant le père de la famille, John, j'aurais tendance à le comparer à Monsieur Bennet, d'Orgueil et Préjugés. J'ai retrouvé en lui cette bienveillance caractéristique à l'égard de ses filles, il ne souhaite pas les voir partir, et encore moins pour une simple raison de dot. D'une manière générale, les personnages sont tous très intéressants à suivre, que ce soit dans leurs sentiments exacerbés ou discrets, dans leur façon d'agir ou même, dans leur nonchalance.
Quoiqu'il en soit, comme le titre le laisser présager, ce roman fait honneur aux dames, car les hommes que ce soit, John, Ambrose, Shawn ou Ed Laine sont finalement assez effacés et en retrait. le récit est donc en grande partie porté par des femmes aux personnalités et aux souhaits différents, mises en scène ici de manière authentique dans leur quête du bonheur.

C'est un sublime roman que nous ont offert Barjavel et Olenka de Veer. Un récit poétique, qui prend le temps de se savourer, qui nous fait découvrir toute la beauté et le charme de l'Irlande à travers son folklore, ses traditions, son histoire et ses mythes. mais aussi et surtout à travers la magnifique histoire entre une lointaine descendante de la licorne et son chauffeur qui va l'aider à guérir et lui apprendre ce qu'est l'amour véritable...
Un récit qui m'a bercée, qui m'a fait rire, qui m'a émue, qui m'a fait voyager vers cette contrée pleine de promesses et de paysages merveilleux. Mais qui m'a également fait prendre conscience, plus que jamais, de la douleur et des tragédies dont l'Irlande fut la victime. Des personnages attachants, plus réalistes que nature, une atmosphère palpable, emplie de mysticisme, une prise de conscience brutale et sensible sur le passé de l'Irlande, rendent cette lecture inoubliable. En somme, un livre que je relirai avec plaisir au fil du temps et à qui j'accorde désormais une place de choix dans ma bibliothèque.

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