J'ai tiré sur la corde et vite, vite, je suis remontée, en fixant là-haut la silhouette dansante de la pirogue. Le soleil dansait aussi dans une flaque de reflets. Bleu de ce ciel en morceaux, bleu de ma vie, de mon monde d'être humain. J'y ai émergé en lâchant mon souffle. Le coeur tambourinant, je me suis accrochée au balancier. J'aspirais à pleine poitrine l'air neuf. J'avais encore dans les yeux les merveilles des fonds.
Les dieux l'avaient décidé, le monde était fait comme ça ; la mer, dans la mer Notre Terre, petit caillou dans son immense étendue, et pas très loin l'Autre Terre. On parlait aussi d'une terre minuscule et sacrée que les vieux nommaient le Ventre du Monde.
Le Ventre du Monde était plus petit que dans mes rêves. Pourtant il était immense. La mer, le monde y étaient nés.
Mani aussi se laissait guider par une petite étoile ; la sienne brillait dans le ciel de sa tête.
Ce qui n'empêche pas d'avoir l'esprit pratique, bien au contraire. Les vrais rêveurs sont des bâtisseurs. Ils savent donner un corps à leurs rêves avec une grande énergie, presque un acharnement.