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Critique de Charybde2


Un étonnant questionnement du rôle de l'intellect en temps de crise absolue...

Publié en 2008, ce septième roman de Christophe Bataille était le premier que je lisais. Court (215 pages) mais dense, il nous emmène aux côtés d'un étonnant Nicolas Machiavel vieillissant, fuyant l'épidémie de peste qui dévaste Florence pour se retrouver malgré tout enfermé dans une petite cité toscane des environs, où se déchaînent les peurs, les horreurs et les passions avec la mort qui approche... et où Machiavel lui-même, conseiller des princes, en viendra à douter de lui-même dans une ambiance en effet largement onirique.

« Il n'y a pas de Renaissance, il n'y a pas de temps anciens mais il y a dit-on des images secrètes. Il y a sainte Agathe, les seins tranchés par le vitrail. Il y a l'aubépine en son tablier pourpre. Il y a les enfants d'autrefois qui marchent, le placenta séché autour du cou. Il y a le sang des oiseaux qui mousse sur ton ventre glabre. Il y a cette tête d'âne fichée sur un corps d'homme. On dit que ce crâne, c'est le monde. Et l'homme, est-ce moi ? Ou est-ce Machiavel qui fuit la peste ? Alors voici : je raconte un homme dans le déchirement, il paraît que c'était il y a des siècles, que cet homme a vécu, qu'il n'y a plus de peste, que tout change, or j'invente très peu, je porte le regard au coeur de ce qui est. »

« Ces pierres taillées sont tout son trésor. Avec ça, il peut acheter une ville, du pain, des bougies, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de récoltes, plus de bras, plus d'air, plus de feu. Mais rien dans sa paume ne peut lui obtenir un regard ou un geste humain. Il a donc fallu ce long chemin. Il a fallu les voyages, l'exil, la peur, il a fallu les livres, la gloire, les femmes, la bizarre course du temps pour qu'il ne reste rien du grand esprit, rien de la gloire, rien de l'expérience. Il a fallu que Machaivel soit vieux et sage pour qu'il rêve d'être courageux, vif, fuyant de nuit vers Menton puis Aix. »

Brodant à loisir sur un épisode relaté brièvement par Machiavel lui-même, et extrapolant sur l'interprétation qu'en fit jadis Jules Michelet, Christophe Bataille nous livre ici une étonnante machine, puissante et robuste, paradoxalement bien peu politique, à propos de l'auteur du « Prince », mais pleine d'une réflexion sauvage sur l'humanité en temps de crise – et sur le rôle ou l'absence de rôle de l'intellect en la matière...
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