Citations sur Au pays des terres hautes (22)
La montagne est souveraine, imprévisible, magnifique, inhospitalière, infiniment précieuse, nécessaire, mortelle : elle est tout cela selon qui la regarde. Et les hommes qui l'aiment le savent au prix du deuil.
« Je pris possession de mon métier de guide [...]. Il me sembla devenir tout à fait le capitaine de mon existence. »
Gaston Rébuffat
« L'esprit vient de la vie : il est dans les montagnes, les rivières, l'herbe et les arbres. »
Gao Xingjian, "La montagne de l'âme"
La montagne vit. Elle a ses bons et ses mauvais jours, des colères latentes et des menaces en germination. Tantôt elle épargne le présomptueux, tantôt elle frappe aveuglément, à croire qu'il existe une succession d'erreurs au-delà desquelles il n'y a plus de grâce possible, trop de piétinements imprudents, trop de désinvolture, trop d'hommes encombrés et fragiles à l'assaut de ses flancs, qui grimpent en oubliant ses humeurs de colosse.
Les montagnes sont mes marraines de berceau et me soufflent leurs sortilèges depuis que je sais me tenir debout, alors il faut que je grimpe partout, sur les talus, les rochers, dans les arbres, à l'assaut des sentiers ou sur le toit des remises. Chaque fois que je lève le nez, elles sont là, solides, immenses, changeantes, tantôt lustrées, comme nimbées de lumière, tantôt sombres, la face rembrunie, et leur froid me pénètre tout entier. C'est comme si le vertige m'aspirait à l'envers, un appel à aller voir plus haut !
Dès que la nuit tombe, je suis saisi par le froid des hauteurs qui me coupe le souffle, comme si la pureté des l'air était trop aiguë pour mes poumons. Cela me rend absurdement heureux, parce que l'aventure s'accompagne nécessairement d'un peu de souffrance...
Respirer, garder l'équilibre, écouter la rumeur du vent, ouvrir son regard à la mesure de l'infini qui se déploie, grimper, se dépasser. C'est une danse sur un fil, une aventure qui ne dit pas toujours son nom, un émerveillement que l'on va chercher tout au fond de soi et qui déborde, face au vide des sommets.
Guider, c'est avoir l'intuition de l'autre et du monde qui nous entoure. C'est être attentif aux signes, à la lumière du ciel, à la forme d'une montagne, à la fatigue qui alourdit le pas, à l'appréhension qui fait trébucher. C'est choisir de s'engager ou bien de renoncer au sommet. Et, quelquefois, c'est faire silence au milieu de l'allégresse pour choisir sa voie, prendre une décision en conscience et non dans le tumulte du moment.
« Plus haut je monterai, plus je plongerai mon regard dans les profondeurs de mon être. »
Reinhold Messner, "Everest sans oxygène"
« Je me suis toujours senti extrêmement fragile face aux éléments : d'un côté, un squelette avec de la chair autour ; de l'autre, les forces auxquelles on se frotte, le rocher, la glace, la tempête. »
René Desmaison