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Citations sur Ecrits sur l'art (31)

Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n’a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament ; mais, — un beau tableau étant la nature réfléchie par un artiste, — celle qui sera ce tableau réfléchi par un esprit intelligent et sensible. Ainsi le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie.

Mais ce genre de critique est destiné aux recueils de poésie et aux lecteurs poétiques. Quant à la critique proprement dite, j’espère que les philosophes comprendront ce que je vais dire : pour être juste, c’est-à-dire pour avoir sa raison d’être, la critique doit être partiale, passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons.

Exalter la ligne au détriment de la couleur, ou la couleur aux dépens de la ligne, sans doute, c’est un point de vue ; mais ce n’est ni très large ni très juste, et cela accuse une grande ignorance des destinées particulières.

Vous ignorez à quelle dose la nature a mêlé dans chaque esprit le goût de la ligne et le goût de la couleur, et par quels mystérieux procédés elle opère cette fusion, dont le résultat est un tableau.

Ainsi un point de vue plus large sera l’individualisme bien entendu : commander à l’artiste la naïveté et l’expression sincère de son tempérament, aidée par tous les moyens que lui fournit son métier. Qui n’a pas de tempérament n’est pas digne de faire des tableaux, et, — comme nous sommes las des imitateurs, et surtout des éclectiques, — doit entrer comme ouvrier au service d’un peintre à tempérament.

[…]

Désormais muni d’un critérium certain, critérium tiré de la nature, le critique doit accomplir son devoir avec passion ; car pour être critique on n’est pas moins homme, et la passion rapproche les tempéraments analogues et soulève la raison à des hauteurs nouvelles.

Comme [les arts] sont toujours le beau exprimé par le sentiment la passion et la rêverie de chacun, c’est-à-dire la variété dans l’unité, ou les faces diverses de l’absolu, — la critique touche à chaque instant à la métaphysique.

Chaque siècle, chaque peuple ayant possédé l’expression de sa beauté et de sa morale, — si l’on veut entendre par romantisme l’expression la plus récente et la plus moderne de la beauté, — le grand artiste sera donc, — pour le critique raisonnable et passionné, — celui qui unira à la condition demandée ci-dessus, la naïveté, — le plus de romantisme possible.

Extrait du chapitre : À quoi bon la critique ?
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Il me reste, pour compléter cette analyse, à noter une dernière qualité chez Delacroix, la plus remarquable de toutes, et qui fait de lui le vrai peintre du XIXe siècle : c’est cette mélancolie singulière et opiniâtre qui s’exhale de toutes ses œuvres, et qui s’exprime et par le choix du sujet, et par l’expression des figures, et par le geste, et par le style de la couleur. Delacroix affectionne Dante et Shakespeare, deux autres grands peintres de la douleur humaine ; il les connaît à fond, et il sait les traduire librement. En contemplant la série de ses tableaux, on dirait qu’on assiste à la célébration de quelque mystère douloureux […]. Dans plusieurs on trouve, par je ne sais quel constant hasard, une figure plus désolée, plus affaissée que les autres, en qui se résument toutes les douleurs environnantes […]. Cette mélancolie respire jusque dans Les Femmes d’Alger, son tableau le plus coquet et le plus fleuri. Ce petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette, exhale je ne sais quel haut parfum de mauvais lieu qui nous guide assez vite vers les limbes insondés de la tristesse.
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Donc, quand nous disons que ce tableau (La Madeleine dans le désert de Delacroix) est bien dessiné, nous ne voulons pas faire entendre qu’il est dessiné comme un Raphaël ; nous voulons dire qu’il est dessiné d’une manière impromptue et spirituelle ; que ce genre de dessin, qui a quelque analogie avec celui de tous les grands coloristes, de Rubens par exemple, rend bien, rend parfaitement le mouvement, la physionomie, le caractère insaisissable et tremblant de la nature, que le dessin de Raphaël ne rend jamais.
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La femme

La femme est sans doute une lumière, un regard, une invitation au bonheur, une parole quelquefois ; mais elle est surtout une harmonie générale, non-seulement dans son allure et le mouvement de ses membres, mais aussi dans les mousselines, les gazes, les vastes et chatoyantes nuées d’étoffes dont elle s’enveloppe, et qui sont comme les attributs et le piédestal de sa divinité ; dans le métal et le minéral qui serpentent autour de ses bras et de son cou, qui ajoutent leurs étincelles au feu de ses regards, ou qui jasent doucement à ses oreilles.

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Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait particulièrement Beau.
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Monsieur Victor Hugo, dont je ne veux certainement pas diminuer la noblesse et la majesté, est un ouvrier beaucoup plus adroit qu’inventif, un travailleur bien plus correct que créateur. Delacroix est quelquefois maladroit, mais essentiellement créateur. M. Victor Hugo laisse voir dans tous ses tableaux, lyriques et dramatiques, un système d’alignement et de contrastes uniformes. L’excentricité elle-même prend chez lui des formes symétriques. Il possède à fond et emploie froidement tous les tons de la rime, toutes les ressources de l’antithèse, toutes les tricheries de l’apposition. C’est un compositeur de décadence ou de transition, qui se sert de ses outils avec une dextérité véritablement admirable et curieuse. M. Hugo était naturellement académicien avant que de naître, et si nous étions encore au temps des merveilles fabuleuses, je croirais volontiers que les lions verts de l’Institut, quand il passait devant le sanctuaire courroucé, lui ont souvent murmuré d’une voix prophétique : « Tu seras de l’Académie ! »
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LE PEINTRE DE LA VIE MODERNE

Éloge du maquillage

La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s’appliquant à paraître magique et surnaturelle ; il faut qu’elle étonne, qu’elle charme ; idole, elle doit se dorer pour être adorée. Elle doit donc emprunter à tous les arts les moyens de s’élever au-dessus de la nature pour mieux subjuguer les cœurs et frapper les esprits. Il importe fort peu que la ruse et l’artifice soient connus de tous, si le succès en est certain et l’effet irrésistible. C’est dans ces considérations que l’artiste philosophe trouvera facilement la légitimation de toutes les pratiques employées dans tous les temps par les femmes pour consolider et diviniser, pour ainsi dire, leur fragile beauté.
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Le peintre de la vie moderne

La femme

[ La femme est ] une divinité, un astre, qui préside à toutes les conceptions du cerveau mâle; c’est un miroitement de toutes les grâces de la nature condensées dans un seul être; c’est l’objet de l’admiration et de la curiosité la plus vive que le tableau de la vie puisse offrir au contemplateur. C’est une espèce d’idole, stupide peut-être, mais éblouissante, enchanteresse, qui tient les destinées et les volontés suspendues à ses regards.


Baudelaire dans cet extrait assimile la femme à un individu presque divin au caractère quasi hypnotique mais qu’il qualifie « d’une espèce d’idole, stupide peut-être » Dans cet extrait de Baudelaire, la femme est reléguée à un simple objet de contemplation. Il soulève ici l’une des caractéristiques principales affublée à la femme depuis la nuit des temps: sa beauté, envoûtante. Ainsi la femme apparaît manipulatrice et perfide, femme objet, dont la beauté est simple décorum, apparat.
Cela montre combien la société du XIXème siècle était encore une société phallocratique.
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Pour moi, le romantisme est l'expression la plus récente, la plus actuelle du beau.
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Charles Baudelaire – Exposition universelle de 1855

La « Madeleine dans le désert » est présenté par Eugène Delacroix à l’exposition universelle de 1855. Baudelaire est fasciné à nouveau par cette tête et écrit :
« Voici la femme tête de la Madeleine renversée, au sourire bizarre et mystérieux, et si surnaturellement belle qu’on ne sait si elle est auréolée par la mort, ou embellie par les pâmoisons de l’amour divin. »
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